Rendez-nous notre monnaie !

07/06/2014

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PÉTITION « RENDEZ-NOUS LA MONNAIE !« 
  (signez sur http://tinyurl.com/lx79h3p )

Depuis maintenant trop longtemps les banques commerciales privées ont obtenu le transfert d’un pouvoir régalien autrefois détenu par la puissance publique: celui de créer par une ligne d’écriture informatique toute la monnaie scripturale, monnaie chargée d’intérêts, que les ménages, les entreprises et même les administrations sont dans l’obligation d’utiliser lors de tous les échanges commerciaux.

Négligeant leur rôle premier qui est de financer l’économie (une carence qui explique  en partie la gravité de la crise et du chômage), elles spéculent en risquant d’entrainer les déposants dans leur chute. On compte plus de 20 crises financières depuis 1980 dont la dernière de 2007 laisse encore de nombreuses traces ; la prochaine emportera peut être toutes vos économies car la garantie des dépôts ne peut s’appliquer en cas de crise systémique !

Nos voisins Suisses lancent ces jours-ci une « initiative pour la monnaie pleine » dans le but d’obtenir une votation sur ce sujet. Si la votation remportait la majorité, la Banque Centrale (Banque Nationale Suisse) garantirait 100 % des dépôts à vue et serait seule autorisée à créer toute nouvelle monnaie, sans intérêts.

Hélas, nous en France, ne disposons pas du Référendum d’Initiative Citoyenne (1) qui permettrait d’amener un tel sujet au débat démocratique ; il nous reste cette pétition que nous vous demandons de signer et de faire circuler. Elle se résume en ces mots :

«Donner à la Banque de France le droit exclusif d’émettre toute la monnaie nouvelle au bénéfice de la collectivité, et de garantir les comptes de dépôts»

Cette pétition sera transmise – au moment de la votation Suisse – au Président de la République, au premier ministre et au ministre des finances de la France, aux présidents des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, à tous les chefs des partis politiques. Pour plus d’efficacité, s’il vous plait, diffusez-là sur vos réseaux.

C’est volontairement que cette pétition est courte et par là même peu détaillée. Vous trouverez plus de précisions sur https://100monnaie.wordpress.com/, où nous pouvons également répondre à vos questions.

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(1) Le référendum d’initiative citoyenne est l’unique revendication de l’association « Article 3 », que vous pouvez soutenir en vous rendant sur son site : http://www.article3.fr/


La circulation de monnaies souveraines

21/12/2012

Extrait du site de Jean Jégu que nous vous recommandons vivement de visiter…

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La circulation de monnaies souveraines

… et des mots pour le dire.

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement
et les mots pour le dire se trouvent aisément  »  

Nicolas Boileau. L’art poétique ; Chant I

De toute évidence, la monnaie fiduciaire ( pièces et billets) circule. On est tenté de dire que la monnaie scripturale ( celle qui est « écrite » dans les comptes), elle aussi, circule de comptes en comptes. On voit bien toutefois qu’il ne s’agit pas tout à fait de la même circulation. Qu’est-ce qui constitue vraiment la circulation des monnaies modernes ? Comment mettre des mots intelligibles sur cette circulation ? Pourrait-il exister des monnaies qui ne circuleraient pas?

Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre avec l’objectif avoué d’en tirer une proposition d’explication rationnelle, juridique en réalité, du fait monétaire aujourd’hui ou du moins de ce qu’il pourrait ou devrait être.

La circulation des espèces.

Que les monnaies anciennes aient tiré leur valeur d’une qualité intrinsèque ( le métal précieux ) ou que celle-ci ne soit que de nature symbolique ( les billets), leur circulation s’effectue en quelque sorte dans le sens inverse des biens matériels ou immatériels qu’elles permettent d’échanger : l’un donne son argent ; l’autre lui donne ce qu’il vend. L’échange marchand traditionnel porte sur des valeurs jugées équivalentes par les deux parties prenantes : je te donne cet objet et tu me remets la même valeur en monnaie.

Ainsi la monnaie fiduciaire est traitée comme un objet. Elle passe de ma bourse à la tienne ou inversement selon le cas. On peut la donner , la perdre, la retrouver, la voler, la cacher comme n’importe quel objet Comme pour un objet, voire bien davantage car elle n’est pas identifiable ( elle est fongible ), celui qui la détient, son porteur , est réputé en être le propriétaire.

La monnaie fiduciaire peut se caractériser par :

– un émetteur qui en est le garant ( la banque centrale concernée )

– une valeur faciale quantifiée dans une unité définie par l’émetteur

– un propriétaire qui en est le porteur.

Quelles difficultés, quels abus peuvent survenir dans ces conditions ?

On pense bien sûr à des contrefaçons lorsque l’émission ne provient pas de l’autorité légitime mais de l’activité frauduleuse de faux-monnayeurs.

Cependant le risque n’est-il pas aussi du coté du porteur ? Où et comment celui-ci a-t-il acquis cette monnaie ? Si l’on s’en tient au seul examen de l’échange le pire des truands apparait aussi blanc que le plus vertueux des hommes. Cela ne pose pas qu’une question théorique ; on connait hélas de tristes réalités : contrefaçons comme on l’a dit, mais aussi : rackets, blanchiments divers et évasions fiscales parfois jusqu’aux paradis du même nom.

La « circulation » de la monnaie de compte.

La monnaie scripturale – la monnaie de compte – ne circule pas comme les espèces : elle « circule » ( les guillemets sont ici volontaires ) de compte en compte.

Regardons cela de plus près.

Une liaison subsiste entre les flux de biens et services dans un sens et les flux monétaires dans l’autre. Les parties prenantes à l’échange apparaissent clairement en tant que détenteurs de compte ; le compte du vendeur augmente ; celui de l’acheteur diminue et cela d’une valeur acceptée par les deux parties.

Comment déplace-t-on la monnaie scripturale ? On ne la remet pas ; on ne la donne pas. On remet un chèque ; on utilise sa carte bleue, un ordre de virement, un TIP ( titre interbancaire de paiement) ou toute autre moyen de transmission d’ordre aux teneurs de comptes. Ce qui circule c’est l’information sur les rôles et les identités des intervenants dans l’échange et la valeur échangée. Les teneurs des comptes en prennent acte dans les comptes. Ils agissent un peu comme les notaires qui établissent des titres de propriétés actant des changements de propriétaires. La monnaie scripturale est avant tout une réalité juridique ; ce n’est en aucun cas un objet qui circule.

Outre le fait qu’elle soit écrite – et cela peut aujourd’hui se faire en bits élémentaires dans les ordinateurs – la monnaie scripturale, dite encore monnaie de compte, semble pouvoir être caractérisée par :

– une autorité garante de l’authenticité ( nature et provenance ) des valeurs mises en comptes

– une garantie sur la rigueur absolue des modifications apportées aux comptes.

– une identification certaine de la personne physique ou morale titulaire du compte

Quels sont les problèmes potentiels avec ce type de monnaie ? Il semble qu’il y en ait bien moins qu’avec les espèces. En effet, tous les mouvements monétaires ( mouvements purement comptables comme on l’a vu ) sont ainsi totalement connus pour autant qu’une autorité légitime ait accès à tous les comptes et à toutes les modifications de ces comptes. C’est une question de gouvernance si l’on ne veut pas dire de gouvernement.

Trois observations s’imposent :

– la « circulation » de la monnaie scripturale est directement ouverte sur la circulation des espèces. Il faudrait donc un contrôle des retraits ( motif à déclarer par exemple ) et des dépôts ( origine à justifier ) d’espèces, ou bien la suppression totale des espèces comme les technologies modernes le permettraient.

– la « circulation » de la monnaie scripturale emprunte aussi des circuits internationaux hors de portée d’un contrôle national. Il faudrait donc un contrôle des entrées et des sorties de capitaux hors la zone monétaire concernée.

– enfin et surtout , le méli-mélo que constitue le système à réserves fractionnaires ( qu’une petite minorité seulement comprend ) est une porte ouverte à bien des abus. Il faut savoir qu’ aujourd’hui il n’existe pas, comme on le pense spontanément, qu’une seule monnaie de compte ; il en existe autant qu’il existe de banques commerciales indépendantes plus une, celle de la Banque Centrale dite monnaie de base. Néanmoins tous ces comptes comptabilisent des valeurs portant le même nom, et cela de manière parfaitement trompeuse . Quand vous détenez 1000 € sur votre compte à la BNP, ceux-ci ne sont pas strictement équivalent à 20 billets de 50 €. C’est un engagement de la BNP à vous fournir jusqu’à 1000 € en espèces, c’est à dire en monnaie centrale, si vous le lui demandez , mais cela ne veut en aucun cas dire que ces espèces existent et sont aux mains de la banque. Vous n’êtes pas son seul client et comme, en temps normal, ceux-ci ne demandent aujourd’hui en moyenne que 15 % environ de leurs dépôts en espèces, on peut sans se tromper affirmer que si vous avez 1000 € en compte, la BNP n’en détient réellement en moyenne que 150 dans ses comptes. Il serait trop long ici de réexpliquer en détail le système des réserves fractionnaires mais on peut résumer celui-ci de la manière suivante : les monnaies de compte bancaires sont des monnaies scripturales privées normalement garanties par chaque banque et à qui ne correspond que 15 % en moyenne de monnaie de base ( monnaie de compte en Banque Centrale échangeable en espèces ) . Ce système résulte d’une longue évolution historique combinant les besoins de l’économie réelle et la soif de profit des banques. Les monnaies étant désormais totalement dématérialisées ( sans liens avec la rareté des métaux précieux qui n’ont plus que leur valeur propre ), il est non seulement possible mais hautement souhaitable pour assainir la situation que ne soit plus utilisée qu’une seule monnaie de compte, la monnaie de Banque Centrale garantie par la puissance publique. Cette proposition est connue depuis longtemps dans les théories monétaires sous le nom de «  100 % monnaie ».

Résumons-nous.

La monnaie scripturale ne circule pas comme les espèces ; ce sont des informations qui circulent et il en est pris acte au niveau des comptes en monnaie scripturale ou monnaie de compte.

Un compte bancaire doit garantir la valeur des quantités de monnaie comptabilisées, la rigueur des modifications qui y sont apportées et identifier sans ambiguïté le titulaire.

Pour éviter les fraudes, il faut surveiller l’origine des dépôts et la destination des retraits en espèces, surveiller et réglementer les entrées et sorties de capitaux aux frontières de la zone monétaire, et n’utiliser qu’un seule monnaie de compte, c’est à dire mettre en place le « 100 % monnaie ».

Comment « dire » une monnaie moderne ?

Techniquement on pourrait, aujourd’hui, supprimer la circulation des espèces. Elle a été, historiquement, au coeur des systèmes monétaires traditionnels liés aux métaux précieux et pourrait disparaitre avec eux. Les billets de banques n’ont d’ailleurs été initialement que des engagements d’une autorité – une banque ou un état – à fournir, en échange de ces billets, une certaine quantité de métal précieux.

Une monnaie de compte ne circule pas vraiment. Elle n’est que l’enregistrement des états successifs des avoirs monétaires de personnes physiques ou morales identifiées. Dans l’économie réelle ces états successifs sont directement induits par des échanges réels. Ils signifient aussi, en principe, l’accord de deux parties sur un niveau de valeur.

Le teneur de compte est un peu comme le notaire qui enregistre et modifie les titres de propriétés. Les titres de propriété sont constitués de plusieurs pages identifiant les vendeurs et acheteurs, décrivant en détail l’état du bien immobilier, les conditions financières de la vente …

Si l’on devait produire un texte à propos d’un compte en banque, que pourrait-il être ? L’exercice aurait le mérite de nous obliger à en bien comprendre la nature qui est d’ordre juridique.

Conformément à ce qui a été dit précédemment, faisons cet exercice dans le cadre d’une monnaie souveraine ( émise par la puissance publique ) et du « 100% monnaie » ( taux de couverture bancaire de 100 %, c’est à dire une seule monnaie de compte).

Mettons d’abord des mots sur un simple « mouvement » entre deux comptes.

Il y a obligatoirement deux agents économiques, en tout cas deux comptes courants. Il peut aussi y avoir deux teneurs de comptes. L’agent qui va diminuer son compte ( donc celui qui a reçu le bien ou service réel ) diffuse aux teneurs de comptes une information portant que son identité, celle de son partenaire à l’échange et la valeur échangée. Les teneurs de compte s’exécutent sans que la masse monétaire soit en quoique ce soit changée.

Chaque compte garde sa signification, les valeurs monétaires s’ajoutant ou se soustrayant au total existant préalablement. Cette significtion est : « L’autorité monétaire publique reconnaît devoir à l’agent identifié X la valeur monétaire Sx portée au bilan de son compte. »

Cependant il arrive que la masse monétaire change ou soit appelée à changer.

On imagine aisément que l’autorité monétaire puisse accorder un prêt à un agent Y selon le processus habituel qui est un échange croisé de dettes. L’emprunteur reconnaît devoir au prêteur une somme de valeur p ; et le prêteur-émetteur ( ici l’autorité monétaire publique ) approvisionne le compte de Y, ce qui revient à dire : « L’autorité monétaire publique reconnaît devoir à l’agent identifié Y la valeur monétaire Sy portée au bilan de son compte. »

Si au lieu d’un prêt à Y, on considère un fournisseur Z de l’état, il apparaît évident que l’autorité monétaire agissant au nom de l’état peut aussi le payer tout simplement en approvisionnant son compte, ce qui revient à dire : « L’autorité monétaire publique reconnaît devoir à l’agent identifié Z la valeur monétaire Sz portée au bilan de son compte. »

Ce second cas est au moins aussi justifié que le précédent et de toute façon plus compréhensible et logique ; quelle est en effet la logique d’un échange de dettes croisées ? Il serait bon que quelqu’un y mette des mots ! Au contraire, le paiement d’un fournisseur de l’état est la monétisation simple et légitime d’une dette publique.

Il est de plus en plus connu que la masse monétaire accessible à l’économie est augmentée par les emprunts auprès des banques et se trouve diminuée par leurs remboursements. Quel processus diminuera la masse monétaire si on l’augmente par monétisation de dépenses publiques ?

Il s’agit bien entendu de la démonétisation des recettes publiques.

Quand l’état doit faire une recette, c’est qu’il détient une créance qui signifie :«  L’ agent identifié X reconnaît devoir à l’autorité monétaire publique la somme s »

Cette créance est à considérer face au compte de X qui signifie quant à lui, comme on le sait : « L’autorité monétaire publique reconnaît devoir à l’agent identifié X la valeur monétaire Sx portée au bilan de son compte. »

Il est donc parfaitement logique de procéder à l’annulation réciproque de créances pour la valeur s, tout simplement en diminuant le compte de X de la valeur s. La masse monétaire – en fait le total de la dette publique non chargée d’intérêts – est donc réduite de s.

Notre propos est donc susceptible de décrire un circuit monétaire autonome et fermé au sein d’une zone monétaire donnée. La monnaie souveraine qui y circule nait des dépenses collectives en faveur des citoyens et disparaît dans les contributions citoyennes à la collectivité. Elle est donc disponible à volonté, sans charges financières et dans la quantité souhaitable. Entre son émission et sa destruction elle circule entre les agents économiques sans préjuger du type d’économie en place.

Comment, dans ces conditions, concevoir les échanges avec les autres zones monétaires. Celles-ci sont autant d’autorités différentes usant d’unités monétaires différentes. Il convient donc d’être encore plus précis dans la signification d’un compte.

On pourrait le dire ainsi : « L’autorité monétaire publique α reconnaît devoir à l’agent identifié X la valeur monétaire Sxα exprimée en unités de compte Uα et portée au bilan de son compte . »

On est ainsi en présence de quatre caractéristiques :

– l’autorité qui s’engage

– l’agent bénéficiaire

– la valeur monétaire

– l’unité de valeur monétaire.

Considérons ici le cas d’une exportateur X payé par son partenaire étranger Y en monnaie étrangère de l’autorité publique β. Il reçoit donc un titre qui signifie : « L’autorité monétaire publique β reconnaît devoir à l’agent identifié X la valeur monétaire Sxβ en unités de compte Uβ à porter au bilan du compte de cet agent X. » Or ce compte est exprimé en unités Uα. Il y a donc nécessité d’un taux de change entre Uβ et Uα. Mais cela n’est pas suffisant car c’est aussi l’autorité α qui est engagée vis à vis de X dans son compte en unités Uα et non pas l’autorité β. Si donc X ne dispose pas d’un autre compte en unités Uβ ( ce qui est le cas général ), il faut que l’autorité α rachète la créance de X sur l’autorité β à un taux de change « interne» défini par elle-même. A l’issue de l’opération

– l’agent x est propriétaire d’une créance sur α , soit en la verbalisant et de manière tout à fait classique : « L’autorité monétaire publique α reconnaît devoir à l’agent identifié X la valeur monétaire Sxα exprimée en unités de compte Uα et portée au bilan de son compte . ».

– l’autorité monétaire α détient une créance sur l’ autorité monétaire β , créance qui peut être exprimée par : « L’autorité monétaire publique β reconnaît devoir à l’autorité monétaire publique α la valeur monétaire Sxβ en unités de compte Uβ , valeur à porter au bilan des avoirs de α . ». 

Les avoirs monétaires de l’agent X sont donc ainsi intégrés à l’économie « intérieure », celle relevant de l’autorité monétaire α .

Pour traiter du devenir de la créance de l’autorité α sur l’autorité β , il convient de considérer que cette dernière détient de son coté des créances sur l’autorité α , que l’on exprimera par : « L’autorité monétaire publique α reconnaît devoir à l’autorité monétaire publique β la valeur monétaire Syα en unités de compte Uα , valeur à porter au bilan des avoirs de β. ». Les autorités α et β sont donc en situation de négocier une annulation réciproque de créances à un taux de change « externe » sur lequel elles ont à s’entendre. L’accord nécessaire se fera soit au cas par cas, soit par convention d’une « unité de compte commune » souvent qualifiée à tort de « monnaie commune ». Une monnaie est en effet une reconnaissance de dette, tandis qu’une unité de compte commune n’ est qu’un accord sur un taux de change entre au moins deux parties.

Les taux de change, aussi bien « interne » que « externe » sont des actes politiques. Ceci ne signifie pas qu’ils puissent totalement ignorer les taux de change éventuellement pratiqués par ailleurs, à leurs risques et périls et en transactions privées, entre les agents économiques. Cependant la monnaie souveraine marquerait la fin de la « pénurie monétaire entretenue » sur laquelle repose le fonctionnement dévastateur de nos sociétés actuelles.

Conséquences pratiques :

Utopie dirons certains. Est-ce si sûr ?

Car aujourd’hui, c’est déjà la puissance publique, les contribuables en fait, qui garantissent la monnaie. Celle-ci est émise par le truchement d’une Banque Centrale Européenne, laquelle est bizarrement déclarée totalement indépendante des pouvoirs publics bien qu’ elle apartienne à diverses banques centrales nationales (dont certaines hors de la zone euro). Tant pis pour la cohérence d’une telle logique.

Que se passe-t-il régulièrement ? L’état est légalement obligé d’emprunter aux banques les sommes qui lui manquent, ne serait-ce que parce qu’il va rembourser un emprunt précédant ( ce qui serait le cas même si le déficit était récuit à zéro ! ). Il reçoit donc des banques S euros prêtés pour une durée fixée et au taux I, contre la remise de titres de reconnaissance de dette à ces banques. Celles-ci en échange de ces titres souverains peuvent se refinancer auprès de la BCE au taux i et pour un total de S euros. Résultat : il existe bien S euros supplémentaires ( ceux issus du refinancement ). Il y a création monétaire de S euros comme conséquence de l’emprunt de l’état mais celui-ci est contraint de payer des intérêts aux banques qui bénéficient de l’écart de taux I – i .

En résumé : l’état émet sa monnaie mais par un processus que le conduit, d’une part à payer des intérêts aux banques et d’autre part à devoir périodiquement leur ré-emprunter.

Ce système génère un alourdissement progressif et indéfini de la dette publique. C’est une pénurie monétaire organisée qui permet à quelques très riches – n’ayons pas peur de mots – de tenir l’économie et par là la société. A supposer même qu’une admirable « règle d’or » en vienne à permettre de stabiliser cette dette publique, nous atteindrions un état permanent dans lequel nous payerions tous indéfiniment notre monnaie aux plus riches. Dit autrement, les producteurs continueront obligatoirement de payer indéfiniment leur tribu aux possédants. Est-ce bien cela l’avenir que nous choisissons ?

Donc nous payons collectivement pour notre monnaie, celle que nous garantissons. Mais, le plus souvent, nous payons aussi individuellement un deuxième fois. Car non seulement l’état emprunte aux banques, mais toute l’économie le fait aussi. Certes tous les agents économiques ne sont pas endettés, mais savez-vous que toute l’épargne des uns vient des emprunts des autres ?

Quand le système bancaire dispose de S euros, croyez-vous qu’il le laisse en Banque Centrale ? Ne va-t-il pas plutôt le prêter pour engranger des intérêts ? La réponse est inattendue : oui, la monnaie des banques est reprêtée ; chaque euro est même prêté plusieurs fois ( 4 à 6 fois ! ) parce que, justement, il reste en Banque Centrale ! Ainsi, en pratiquant des taux, par exemple, de 5 % , les rentrées d’intérêts atteignent en fait 20 à 30 % !

Comment cela peut-il se faire ? C’est très simple quoique fort subtil. Sur les comptes des banques en Banque Centrale, il y a de « vrais euros », des euros dits « de base », ceux garantis par les états. Mais sur les comptes des agents économiques en banques commerciales, il n’y a pas de vrais euros, mais uniquement les promesses de chaque banque commerciale de fournir de vrais euros sur demande des clients. Ayant constaté que ces clients ne demandent pas si souvent des euros « de base » les banques commerciales peuvent se permettre dans les faits de faire environ 4 à 6 fois plus de promesses que ce dont elles disposent réellement en Banque Centrale. Statistiquement ce système fonctionne correctement en général et en situation normale, c’est à dire qu’il fournit effectivement de vrais euros quand on le lit demande. De vrais euros sont demandés dans deux cas : quand on retire des billets et quand on fait un chèque ou un virement vers une autre banque ( car il faut savoir que les banques n’utilisent entre elles, quand elles doivent solder leurs comptes,  que de vrais euros, des « euros de base » et non pas des euros bancaires qui ne sont que des « promesses d’euros de base »). Les euros bancaires étant au contraire largement utilisés dans l’économie, les intérêts versés aux banques proportionnellement aux crédits accordés en euros bancaires permettent à ces banques d’acquérir l’équivalent en richesses réelles produites par l’économie.

En résumé, les banques sont autorisées à prêter communément beaucoup plus que leurs avoirs monétaires. C’est le principe bancaire qui distingue clairement une banque d’un simple établissement financier lequel n’est habilité qu’à prêter l’épargne préalablement collectée. Cependant une banque est aussi un établissement financier mais un établissement financier n’est pas toujours une banque. (Ceci ne manque pas d’embrouiller encore plus la compréhension du fonctionnement des banques, y compris, hélas, pour des banquiers et des économistes ! )

Serait-il si utopique que l’état n’accepte plus de payer les banques pour la monnaie que lui-même garantit ? Serait-il si injuste et irréaliste que les banques ne puissent, comme tout un chacun, prêter qu’une seule fois leurs avoirs monétaires ? C’est ce en quoi consiste la proposition connue en économie sous le nom de «100 % monnaie ». Il ne suffit pas de s’insurger contre le capitalisme ; il faut exiger le passage au « 100 % monnaie » – qui correspond à la logique que nous avons tenté d’ expliciter ci-dessus. C’est sans doute la seule issue pour sortir de l’effondrement mortel qui semble se préparer. Surtout, c’est l’espoir de pouvoir libérer les efforts de toute sorte, absolument nécessaires pour faire face aux défis réels de notre temps : le changement climatique, l’épuisement des matières premières, l’alimentation des populations humaines, la résorption d’inégalités de plus en plus intolérables, et plus généralement l’avénement de sociétés humaines harmonieuses et pacifiées.

Une colère compréhensible monte chez ceux qui prennent conscience des méfaits de la pénurie monétaire entretenue et de la finance qui en joue. Ils doivent la muer en une détermination sereine mais inflexible à mettre en oeuvre les moyens qui changeraient enfin durablement la donne.

Jean Jégu. 4 avril 2012


La monnaie, du pouvoir d’achat au pouvoir d’être.

17/12/2012

Philippe Derudder nous fait parvenir ce message important et les vidéos attachées.

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Bonjour toutes et tous

Depuis quelques années, j’ai pris l’habitude de partager avec vous quelque chose pour célébrer la fin de l’année et le commencement de la nouvelle; une réflexion, un texte… Cette année je veux vous offrir un film sur lequel je travaille depuis un an avec l’aide précieuse de quelques amis.
Ce film s’intitule : « La monnaie, du pouvoir d’achat au pouvoir d’être« 
Vous savez que depuis 20 ans j’ai consacré une bonne partie de ma vie à tâcher de comprendre pourquoi l’humanité, en dépit des connaissances et technologies phénoménales dont elle dispose aujourd’hui, reste toujours incapable à établir des conditions de vie de suffisance et de dignité pour tous. Pire, que ce XXIéme siècle s’ouvre sur une crise majeure dont on ne peut encore mesurer l’ampleur des souffrances qu’elle engendrera, est une insulte à l’intelligence.

Sans prétendre détenir la vérité, je partage dans mes livres, conférences et ateliers le fruit de mes recherches et celui de mon propre cheminement; mais cela reste limité. L’idée m’est donc venue d’offrir dans un film une synthèse de ce que j’ai identifié comme étant le fond du fond des problèmes actuels débouchant sur le constat enthousiasmant que tout est là pour réaliser ce monde de suffisance et de dignité, si nous le voulons.
Mais une chose me semble certaine: Pour le moment, l’impasse se referme sur nous car la classe dirigeante mondiale fait tout pour maintenir en place ce qui assure son pouvoir et sa fortune tandis que les peuples s’agitent pour dénoncer ce qu’ils ne veulent plus, sans toutefois savoir  vraiment ce qu’ils veulent, tant le conditionnement qu’ils ont subi étouffe l’imaginaire. Ceci me pousse à croire que la solution est entre les mains des citoyens de ce monde, à condition de les aider à se libérer du conditionnement qui les tient prisonniers

C’est pourquoi mon objectif est que ce film soit le plus possible regardé afin d’informer et d’aider à comprendre que nos problèmes, pourtant vitaux, n’ont que l’épaisseur d’une pensée. Ainsi ai-je choisi de le diffuser gratuitement sur youtube et en trois langues : français, anglais et espagnol.

Pour le moment, seule la version française est disponible. Les deux autres ont encore besoin d’un peu de travail. Toutes les personnes qui l’ont déjà vu l’ont hautement apprécié, mais comme il est riche en informations, elles m’ont conseillé de le découper  en séquences d’une dizaine de minutes chacune. Vous le trouverez donc sous forme de 7 séquences

1/7 –

2/7 –

3/7 –

4/7 –

5/7 –

6/7 –

7/7 –

… je vous invite à le regarder, à votre rythme, et si vous estimez que les informations et messages contenus peuvent contribuer utilement à relever le défi qui est le nôtre, alors merci d’en diffuser le lien à tous vos réseaux et connaissances. Dès que les versions espagnoles et anglaises seront prêtes je vous le dirai aussi pour que vous puissiez prévenir les contacts que vous avez dans les pays parlant ces langues. Ce faisant, pensez à demander à vos contacts  d’en diffuser le lien à leur tour afin que l’effet boule de neige puisse agir.

Maintenant si vous avez envie d’acquérir  la vidéo (contenant le film sous deux formes : séquencée et non séquencée), vous pouvez le commander en ligne sur le site aises.
http://aises-fr.org/260b-liv-monnaie-FR%20achat.html
Il est libre de tous droits de sorte que vous avez l’autorisation de le projeter en public si vous le souhaitez.
Comme vous le comprendrez, nous ne  demandons que le paiement des frais de fabrication, d’emballage et de poste.
Nous apprécierons toutefois une adhésion  ou un don à notre association (bien sur facultatifs) pour nous aider à poursuivre notre action.
http://aises-fr.org/104-adhesion.html

J’espère que ce film contribuera à ouvrir vos horizons. 2012 s’achève. On parle bcp de fin du monde, ou de fin d’un monde. Si l’ancien monde se meurt effectivement, un nouveau est en train de naitre, et beaucoup d’entre nous, souvent sans le savoir, en sont déjà les accoucheurs. J’espère que ce film facilitera cet accouchement.

Bonne fin d’année, joyeuses fêtes et mes meilleurs vœux pour la nouvelle année qu’il nous appartient de rendre belle, chacun à notre niveau.


Financement de la Transition Ecologique (FNH)

06/11/2012

Vous trouverez ci-joint la contribution de la Fondation Nicolas Hulot au livre blanc sur le financement de la transition écologique que le gouvernement est en train de préparer.

Cet article fait 12 pages, vous pouvez le télécharger ou l’ouvrir en pdf si vous souhaitez  l’imprimer

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La nécessité de se doter d’une banque de la transition écologique

Le Président de la République a annoncé à la conférence environnementale que la BPI serait la « banque de la transition ». Nous allons plaider ici pour que soit en effet créée une telle banque ou plus globalement un dispositif d’ensemble spécialisé qui puisse financer les investissements nécessaires à la transition énergétique et écologique. Nous n’entrerons pas ici dans le débat relatif au support existant à utiliser (BPI ou autres).

Cette note1 est faite pour présenter les idées et les arguments dans leur globalité. Une étude approfondie serait bien sûr nécessaire pour détailler le projet présenté ici dans ses grandes lignes.

SOMMAIRE

1   Pourquoi une banque publique de la transition?

2   Doù peut venir ce financement quand les caisses de lEtat sont vides ?

2.1.     Qu’est-ce qu’une banque ?

2.2.     Peut-on se contenter d’une institution financière non bancaire pour financer la transition?

3  Les points clefs dun dispositif dont la colonne vertébrale serait une banque publique
de la transition

4. Les objections à la naissance d’une banque publique de la transition

4.1.     La création monétaire serait inflationniste

4.2.     La création d’une banque publique créerait une distorsion de concurrence avec les banques privées

4.3.     L’Etat ne doit pas utiliser la planche à billet

4.4.     Il y a déjà surabondance mondiale et européenne de liquidités

5 Impacts sur dette et déficits publics de ces dispositifs.

Annexe : la trappe à liquidité

La trappe à liquidité, de quoi s’agit-il ?

Le plancher des taux d’intérêt

Le jubilé ou bûcher des dettes : une vraie solution économique  La trappe, ça se prouve comment ?

1 Cette note s’inspire fortement d’un article de Gaël Giraud, à paraître dans la revue Projet Voir http://www.revue-projet.com/articles/banque-publique-d-investissement-la-mal-nommee/

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1 Pourquoi une banque publique de la transition?

Deux arguments centraux justifient ce dispositif ambitieux et novateur.

D’une part, la transition énergétique et écologique se traduit par des besoins considérables en investissements matériels (énergies renouvelables, rénovation thermique, mobilité bas carbone, urbanisme restructuré, agriculture durable, etc.) et immatériels (formation, recherche, éducation, accompagnement au changement…) Ces investissements parfois diffus ne sont pas toujours financièrement très rentables pour les acteurs privés, compte-tenu notamment de l’absence de signal-prix sur les bénéfices sociaux qu’ils génèrent (ou les pertes sociales qu’ils réduisent) et du jeu de l’actualisation qui écrase le long terme. Par ailleurs ils sont très spécifiques de la transition qui consiste à investir en capital pour économiser des dépenses en combustibles. La question intergénérationnelle est clef : la génération présente n’a pas de raison de payer à la fois pour son énergie et celle de la génération suivante. Or quand on aura isolé les logements et développé les renouvelables, elle n’aura presque plus rien à payer pour son électricité…et plus généralement son énergie. On comprend aisément dès lors que la baisse du coût du capital est absolument essentielle pour que ces investissements se fassent. Le système bancaire privé et mutualiste ne financera au mieux que la part la plus rentable et la plus sûre de ces investissements.

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SMART

02/10/2012

Proposition SMART
(Système Monétaire À Réserves Totales)

Le terme «100% monnaie» utilisé par de nombreux auteurs depuis 1936  n’est ni porteur ni explicite; nous proposons ici de renommer cette proposition «SMART»

ACTUELLEMENT:

De plus en plus de gens savent maintenant que TOUTE la monnaie est produite par les banques commerciales, en particulier lors de l’émission de crédits aux particulier, aux entreprises et aux administrations.[1]

Les banques sont en principe tenues à des règles qui limitent leurs capacités d’émission de crédits par rapport à leurs fonds propres et à leurs capacités d’obtention de monnaie centrale, mais, par exemple, la titrisation et le shadow banking leur permettent de sortir des limites prudentielles. Les banques détiennent sur l’économie plus de 10 fois la disponibilité de monnaie de banque centrale.

La monnaie de crédit créée par une banque commerciale lorsqu’elle donne une suite favorable à la demande d’un emprunteur est ensuite détruite lors du remboursement correspondant. La masse monétaire est en fait la représentation instantanée du solde des crédits entre l’émission et le remboursement (l’image du niveau dans une baignoire est très parlant en considérant le «robinet du crédit» et la «bonde du remboursement».)

De ce fait la monnaie émise par les réseaux des banques commerciales est:

–       «payante» (du fait des intérêts demandés).

–       non régulée car soumises aux «esprits animaux» (Allais) des banquiers et des emprunteurs.

–       La monnaie scripturale n’est donc garantie que par des entreprises commerciales le plus souvent privées auquel il faut ajouter la garantie des dépôts à hauteur de 100000 € par compte. Face à une crise bancaire systémique, le fonds serait largement insuffisant (le Fond de Garantie des Dépôts ne peut garantir que 20 000 comptes à la hauteur maximale prévu par la loi.)

PROPOSITION

Les propositions de garantie totale de la monnaie, ou «100% monnaie», remontent au 19ème siècle, et ont été proposées sous forme pure ou équivalente par des économistes aussi connus que Walras, Ricardo, Von Mises, Fisher, Friedman, Allais, Minsky, ou Tobin, qui sont néanmoins des économistes considérés comme «libéraux» et préconisent:

1 – une différenciation nette entre la monnaie proprement dite(les moyens de paiement totalement «liquides» c’est-à-dire disponibles instantanément) et «l’épargne» qui dans ce cas n’est plus de la monnaie, n’étant disponible qu’à terme ou sous condition (l’épargne étant le M3 – M1 des actuelles «masses monétaires»).

2 – l’interdiction de création monétaire par le système des banques commerciales [2]

Pour obtenir ce résultat ils arrivent à la conclusion qu’il faut un éclatement des banques en 2 (ou 3) entités totalement indépendantes:

1 – Les CSM (Compagnies de Sécurité Monétaires ou banques de dépôts) comptables des dépôts de la clientèle et des échanges économiques. Ces dépôts doivent être garantis par un équivalent en Banque Centrale (réserves obligatoires égales au montant des dépôts) sous forme de titres éligibles «gelés».

2 –  Les banques de prêts dont le rôle est limité à l’intermédiation entre épargnants et emprunteurs

3 – Éventuellement, les banques d’investissement qui utilisent leurs fonds propres ou des prêts d’épargnants très informés sur les risques [3]

CONSÉQUENCES

 Ainsi le système bancaire ne peut plus créer de nouvelle monnaie et toute augmentation de la masse monétaire ne peut être que le fait d’une émission monétaire de la banque centrale au bénéfice du Trésor Public [4]. Une simple séparation des banques de dépôts / banques d’investissements (Glass Steagall) ne permet pas ceci)

Ainsi les objectifs d’augmentation de la masse monétaire peuvent être déterminés par l’exécutif et le législatif et la Banque Centrale (qui garde un rôle de tenue des comptes de l’État, de conseil et de supervision du système bancaire) obéira aux injonction de ceux ci.

Les bénéfices pour la collectivité sont les suivants:

1. l’augmentation de la masse monétaire émise annuellement de 3% à 5% [5] est stricto sensu une recette fiscale. On peut donc l’estimer de 60 à 100 milliards par an.

2. c’est une option  «politique», mais en imposant aux CSM le dépôt de l’équivalent de la monnaie actuelle (dépôts à vue) plus une partie de l’épargne courte actuelle qu’on peut estimer au total à 1200 milliards, c’est 2/3 de la dette publique actuelle (1800 milliards) qui pourrait être «gelée» en quelques années [6]. Ceci permettrait d’éviter une dépense annuelle d’intérêts de 30 à 40 milliards d’euros par an, qui, il est vrai, sont systématiquement empruntés avec pour conséquence l’augmentation de la dette .

3. Une meilleure efficacité de l’économie.

a) des taux d’intérêt véritablement représentatifs des préférences des agents économiques
b) le paiement du prix des services monétaires au juste prix concurrentiel
c) l’interdiction de la transformation financière.

4. La fin des distorsions dans la répartition des revenus ; aujourd’hui toute création monétaire ex nihilo par un système bancaire privé et commercial donne un droit sur la production qui n’a pas été acquis par un produit ou un service vendu.

5. Un contrôle aisé par l’opinion publique et par le Parlement de la création monétaire et de ses implications.

Dans le «SMART» l’État récupèrerait les gains de la création monétaire mais pas le contrôle. Celui-ci serait confié à la Banque Centrale agissant sous un mandat impératif protégé par la Constitution, mais plusieurs types de décision et de contrôle citoyen sont envisageables; la discussion sur la forme de l’organisation politique est ouverte. Il reste que c’est la banque centrale qui, en achetant des titres d’emprunt du gouvernement ou en lui faisant des avances sans échéance, provoque la création monétaire. Néanmoins le Trésor Public doit pouvoir décider d’émettre ou non des bons ou des obligations et la Banque Centrale est là pour prendre acte, les financer et tenir les comptes. [7]

PRÉCISIONS

1) le «SMART» permettra – de la même manière qu’actuellement – de faire face aux besoins imprévus de liquidité dans un système complètement sécurisé. Simplement, les lignes de crédit, qui continueraient bien entendu à exister, seraient gérées différemment.

2) il n’y aura aucun changement dans la masse de crédits en place au moment de la réforme et ces crédits pourront être renouvelés sans problème.

3) La masse monétaire en circulation continuera à augmenter selon le rythme souhaité, dont une partie (que l’on peut estimer à 15% de l’accroissement) accroitra l’épargne existante,

4) Les taux d’intérêt ajusteront l’offre et la demande sur les différentes échéances, créant ainsi les conditions d’une véritable efficience dans l’économie. Si l’offre de crédit disponible (compte épargne + capital des banques) est moins importante que la demande de crédit, les taux d’intérêt vont monter. Si l’offre de crédit est moins importante que la demande, les taux d’intérêt vont baisser. Les taux d’intérêt joueront à plein leur rôle de régulateur entre épargne et investissement. Mais en cas de besoin (tension trop forte sur les taux) la Banque de France pourra toujours procéder à des apports directs aux banques de prêts.

5) Les besoins d’épargne financière peuvent aussi être régulés à travers les mouvements de capitaux internationaux, sachant que la Banque centrale – sous contrôle et sur ordre du Parlement – devra veiller à ce que la masse monétaire en circulation, égale par définition à la monnaie de base dans le nouveau système, reste sur la pente requise (qui devrait être de l’ordre de 4 à 5 % du PIB l’an)

6) La mise en place du nouveau système serait pratiquement transparent pour les agents économiques (changements très marginaux dans leurs habitudes et les coûts) et n’entrainerait de véritables changements que pour les banques, sachant que, sur le plan interne, les activités à séparer sont déjà largement sectorisées.

7) Le « 100% monnaie » n’empêcherait pas totalement les mouvements spéculatifs (boursiers ou immobilier) mais il les atténuerait car : a) les achats ne pourraient être financés que sur les fonds disponibles et l’épargne courante, de telle sorte qu’un emballement spéculatif entraînerait immédiatement une montée des taux d’intérêt, b) les fluctuations violentes de la bourse n’ont que peu d’impact sur l’économie  si elles ne déstabilisent pas le système financier, ce qui serait le cas dans le «100% monnaie».

8)  A l’ objection erronée, qu’il n’y aura pas assez d’argent à prêter à l’économie nous pouvons répondre que les Banques de Prêts pourront prêter a) leur capital, b) l’argent déposé sur les comptes épargne, c) de l’argent emprunté sur les marchés financiers.

9)  Après la transition, le montant des comptes courants et des billets et pièces en circulation n’aura évidemment pas varié.

10) De la même manière qu’aujourd’hui, les comptes courants des entreprises et des particuliers, ainsi que les échanges commerciaux, seront gérés par les CSM qui tiendront les comptes de chacun. Les épargnants quant à eux pourront transférer le montant de leurs disponibilités en Banques de Prêts et choisir les taux et la durée auxquels ils acceptent de prêter.

CONCLUSION

 Une nouvelle crise financière nous amènera nécessairement à la conclusion que les règles prudentielles (nécessité de fonds propres) sont totalement inopérantes. Seule la « nationalisation » totale de la monnaie, permise par le « SMART » permettra d’éviter la répétition constante des crises, comme l’avait déjà noté Irving Fisher en 1936.

 

André-Jacques Holbecq et le C.E.C.


[1]            – Précisons le «toute», car l’objection immédiate va être « mais pas les billets, produits par la Banque Centrale». Cette objection est erronée car on ne peut se procurer de nouvelle monnaie fiduciaire que par un débit sur un compte scriptural bancaire (DAV) lui-même ne pouvant avoir d’existence que par une création initiale de monnaie scripturale de crédit. La circulation commerciale de cette monnaie ne lui permets que de passer de main en main.

[2]            – il est important de parler du système bancaire et non d’un réseau bancaire en particulier; en effet la capacité de création de monnaie par un seul réseau bancaire est limitée par la nécessité de garder un rapport entre les crédits accordés et les dépôts collectés, qui dépends de la part de marché de chaque banque vis à vis de ses concurrentes « Les banques doivent marcher au même pas», disait Keynes

[3]            – cette troisième catégorie bancaire est celle proposée par Allais afin d’éviter le risque de l’utilisation des épargnes par les banques de prêts pour des opérations risquées

[4]            – rappelons que nous avons la chance que la Banque de France soit en totalité propriété de l’État, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays de l’U.E.

[5]            – Allais proposait 4,5% du PIB annuellement en considérant le total prévisible inflation plus croissance

[6]            – les CSM pourraient bénéficier de «garanties» de la part de la  banque centrale pendant les années de transition, garanties qu’elles devraient transférer progressivement en bons du trésor ou OAT; attention, c’est un «one shot»

[7]            –  Si l’on admet que le Trésor Public peut être obligé de se financer sur l’épargne – donc sur le marché et avec charge d’intérêts- c’est lui remettre les menottes ; mais il doit décider de le faire s’il le juge utile .

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Références :
– Maurice Allais «la crise mondiale d’aujourd’hui»  (Juglar 1998)
– Article de Christian Gomez «Une «vieille» idée peut-elle sauver l’économie mondiale?»
Un réexamen de la proposition d’une réforme radicale du système bancaire: L’imposition d’un coefficient de réserves de 100%» (présenté lors du colloque «la crise: trois ans après quels enseignements?» )
http://osonsallais.files.wordpress.com/2010/02/gomez-100.pdf
– Article de Gabriel Galand «Une monnaie à garantie totale, une vieille idée qui fait son chemin» (présenté lors du colloque monnaie – économistes atterrés – Mars 2012) sur http://osonsallais.wordpress.com/2012/09/15/gabriel-galand/
– F.M.I. : « The Chicago Plan Revisited » Jaromir Benes and Michael Kumho (August 2012) sur http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2012/wp12202.pdf et
http://osonsallais.wordpress.com/2012/09/23/the-chicago-plan-revisited-fmi/



Manifeste

28/06/2012

Pour que l’argent serve au lieu d’asservir !

 

Une Nation souveraine a le pouvoir et la légitimité d’émettre sa propre monnaie.

Dette et austérité sont des choix idéologiques.

Savez-vous que:

– Les intérêts de la dette publique absorbent la totalité de l’impôt sur le revenu !

– La BCE a prêté 1000 milliards aux banques mais refuse de prêter aux États pour alléger leur fardeau !

– Le retour du droit de création monétaire par la Banque Centrale au service des États leur éviterait de dépendre de la spéculation et leur permettrait de financer les urgences sociales et écologiques !

Au lieu de cela en Grèce des familles en sont réduites à abandonner leurs enfants. En France des postes sont supprimés dans la fonction publique et les emplois disparaissent dans les entreprises. Vos revenus diminuent, on vous oblige à travailler plus longtemps, on ferme des hôpitaux, des maternités, des tribunaux pour cause de déficit budgétaire.

Peut-être vous interrogez-vous, êtes-vous choqué, dépassé ?

Pourquoi sauver les banques et non pas les peuples ?

Pour beaucoup d’entre nous, c’est parfaitement incompréhensible ! Mais c’est malheureusement l’ignorance dans laquelle les populations sont tenues en matière de fonctionnement du système monétaire qui permet de telles aberrations. Bien sûr on peut se dire que tout cela nous dépasse ou que l’on n’y peut rien à notre niveau. Détrompez-vous ! Nous pouvons non seulement résoudre la question de la dette publique, mais en plus nous donner les moyens de financer les immenses chantiers à mettre en œuvre pour permettre à tous une réelle amélioration de la qualité de la vie.

Pure utopie pensez-vous ? Certainement pas !

Contrairement à ce que croient encore certains, ce ne sont pas les États qui émettent la monnaie, mais le système bancaire privé, simplement lorsqu’il accepte une demande de crédit.

– Depuis longtemps, les monnaies ne sont plus liées à un bien réel, même le dollar dont la convertibilité en or a été supprimée le 15 août 1971, ce qui les rend totalement virtuelles; leurs quantités sont donc potentiellement illimitées et seules les règles définies par les hommes eux-mêmes en limitent l’émission.

– Depuis novembre 1993, l’article 104 du Traité de Maastricht (l’actuel article 123 du traité de Lisbonne) interdit à la BCE ou aux Banques Centrales nationales d’accorder un quelconque crédit aux institutions ou organes publics. Et toute l’Europe est dans la même situation. Cela conduit les États à s’endetter pour obtenir, au prix fort auprès de la finance privée, la monnaie dont ils avaient, s’ils le souhaitaient, le pouvoir d’émission antérieurement !

– C’est ainsi que dans notre pays, de début 1995 à fin 2011 la dette a augmenté de 1150 milliards d’euros. Pendant ce temps nous avons payé (et donc dû emprunter), au seul titre de l’intérêt, plus de 815 milliards d’euros.

Aujourd’hui, pour seulement payer les intérêts, c’est un endettement supplémentaire de plus de 130 millions d’euros par jour. Au final, si nous n’avions pas eu à payer d’intérêts, nous n’aurions qu’une dette publique très faible ne dépassant pas 35% du PIB (Produit Intérieur Brut). Mieux, nous aurions pu, sans risque d’inflation, émettre nos besoins annuels de trésorerie et financer ainsi nos déficits, au lieu de laisser les banques commerciales s’en charger contre intérêt !

Ensemble disons « ça suffit ! ».

Réclamons qu’au minimum la Banque Centrale Européenne (ou la Banque de France si nécessaire) puisse disposer du droit d’émission monétaire et de crédit au bénéfice des collectivités – État, Régions, Départements et Communes – pour financer les investissements nécessaires et raisonnables décidés démocratiquement par la collectivité. C’est aux instances représentatives de la Société de décider, après avis des  organismes publics concernés, du montant d’émission monétaire imposé à la Banque Centrale. En situation de sous-emploi et de pénurie, alors que les compétences humaines, les ressources naturelles et la volonté sont présentes, l’argent, toujours issu d’une simple ligne d’écriture, ne peut et ne doit pas manquer. Dans ce cadre, une émission monétaire n’est pas inflationniste.

Nous demandons donc aux pouvoirs politiques d’accéder aux demandes suivantes :

Pour tout ce qui concerne le financement des projets collectifs de l’Eurozone, la Banque Centrale Européenne (BCE) doit pouvoir être contrainte à une émission monétaire centrale, sans échéance et sans intérêts, directement au bénéfice de la collectivité et non à celui des seules banques – en particulier, pour financer la mutation qu’exige le défi technique, social et écologique de notre époque, la recherche, un enseignement ainsi qu’un système de santé de qualité et, en général, pour tout ce qui sera considéré démocratiquement comme nécessaire pour l’amélioration collective durable de la qualité de la vie.

Les statuts et la mission de la Banque Centrale Européenne doivent être revus en conséquence.

A défaut de faire aboutir ce projet au niveau européen, le gouvernement français doit opérer une reprise du droit collectif (donc national) d’émettre la monnaie, éventuellement par émission d’une monnaie nationale complémentaire à l’euro, quitte à se mettre en dissidence à l’égard de l’UE, non par anti européanisme mais pour se donner la possibilité de devenir un modèle d’inspiration des autres Nations.

Aidez-nous, aidez-vous, aidons nos concitoyens à faire connaître cette situation véritablement inadmissible reposant sur des dogmes erronés. Aidez-nous à faire connaître ces propositions, afin que le sujet sorte enfin de l’ombre. Pour soutenir cet appel, faites le circuler par tous moyens à votre disposition, confortez cette action en écrivant directement à votre député et à votre sénateur, car, nous le savons par expérience : isolée, cette lettre restera ignorée ou évacuée poliment. Il est essentiel qu’elle arrive en nombre, régulièrement et de toute part sur le bureau des élus et personnalités – notamment de la presse – pour qu’elle ne soit pas traitée à la légère. Notre objectif est que les envois proviennent, nombreux, d’individus, d’associations, de groupes ou d’organismes citoyens. C’est le seul moyen pour que cette question, si importante pour l’avenir des Peuples et de la Planète, soit enfin connue d’eux et qu’ils puissent la traiter.

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Cercle des Économistes Citoyens – 27 juin 2012 – adresse courriel : cercleecocit@gmail.com

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La diffusion de ce document est particulièrement souhaitable.
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Bernard Friot: impasse du plein emploi

18/10/2011

L’intervention de Bernard Friot, aux 60 èmes JNE de l’ACOP. à Bordeaux les 20-23 septembre 2011 est trop longue pour la transcrire ici en totalité (j’en transcris ici environ la moitié), mais vous pouvez la télécharger en pdf sur ce lien : La qualification personnelle pour en finir avec la sécurisation des parcours professionnels

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Le « vrai plein emploi » est une illusion. Je l’ai dit : la tentation, chez les opposants à cette dérive, de la nostalgie du temps du « vrai plein emploi », un plein emploi fait de vrais emplois, est compréhensible. C’est pourtant une chimère et une régression. Une chimère : le plein emploi n’a jamais existé (celui des années 1960 était celui des seuls hommes), nous en sommes au contraire aujourd’hui plus proches que dans les prétendues Trente glorieuses : la part des 20-60 ans qui ont un emploi est aujourd’hui de 76% alors qu’elle était de 67% en 1962, et la qualité des emplois est meilleure. Et c’est précisément parce que nous nous sommes rapprochés, quantitativement et qualitativement, du plein emploi que le travail est dans une telle impasse : car plein emploi veut dire plein d’employeurs, déni généralisé de la qualification des personnes, maîtrise du travail par les seuls maîtres des postes de travail, à savoir les employeurs, les actionnaires et les prêteurs pour qui la valeur est produite, et donc impossibilité de « bien travailler » comme le disent massivement les salariés interrogés sur leur travail. Ils répondent qu’ils « aiment leur boulot » mais que « ce qu’ils font, ce n’est plus du boulot ». Le « vrai emploi » est, comme la flexicurité, un oxymore : la maîtrise du travail est impossible quand c’est le poste de travail, et non pas la personne, qui est qualifié et payé. Un emploi ne peut jamais être « vrai », c’est-à-dire confirmer la personne dans sa capacité à créer de la valeur économique et à en décider, puisqu’il est construit contre cette confirmation. Chimère, la nostalgie du vrai plein emploi est également une régression relativement aux possibles qu’ouvre la réussite éclatante des institutions du salaire, et c’est sur ce point que je veux insister dans cette dernière partie de mon propos.

Démocratiser le pouvoir sur le travail par un droit politique de maîtrise de la valeur économique reposant sur la qualification personnelle, la cotisation économique et une création monétaire à l’occasion de l’attribution des qualifications. J’en viens ici à ce que j’annonçais au point 5 : l’extension à tous de la qualification de la personne, la maîtrise collective de la structure des qualifications et donc de l’investissement par la disparition du crédit et de la création monétaire par les banques. Rien de moins ! Car depuis trente ans la sécurité du travail par l’emploi construite au cours des décennies précédentes est mise en échec par les réformateurs. Cet échec est creusé aujourd’hui par la tentative absurde de faire du marché du travail le pôle de l’emploi avec la création – et la responsabilisation – de services publics de l’employabilité, sans fonctionnaires ni pouvoir sur les emplois, dont « Pôle emploi » est l’emblème jusqu’à la caricature. Cette impasse, expérimentée au quotidien par les professionnels de l’orientation qui s’épuisent à construire l’employabilité de personnes entretenues dans l’insécurité envers le travail parce que niées dans leur capacité à décider de la valeur économique, pose dans des termes nouveaux la question de la maîtrise du travail. Elle nous fait faire l’expérience que ni l’emploi ni les services publics de l’employabilité ne peuvent fonder la sécurité dans le travail, qu’aucune sécurité dans le travail n’est possible tant que le pouvoir sur le travail n’est pas le fait des travailleurs. Il faut donc déplacer le projet émancipateur vers la conquête du pouvoir de décision en matière de valeur économique, à retirer totalement aux employeurs, aux actionnaires et aux prêteurs pour l’attribuer à chacun comme un droit politique venant s’ajouter au droit universel de suffrage. Cela passe par trois dynamiques majeures. La première est l’attribution à chacune et chacun d’une qualification et du salaire irréversible qui va avec, au premier niveau pour tous à 16 ou 18 ans puis progressant à mesure des épreuves de qualification : ainsi seront supprimés marché du travail, force de travail et employeurs. La seconde est la création, sur le modèle si réussi de la cotisation sociale, d’une cotisation économique qui, ponctionnée sur la valeur ajoutée à la place du profit, ira à des caisses qui financeront les projets d’investissement sans remboursement ni taux d’intérêt (puisqu’il n’y aura plus d’appropriation lucrative de la valeur), ce qui supprimera la propriété lucrative et le crédit. La troisième est une création monétaire fondée sur une autre anticipation de la production de valeur économique : non plus l’anticipation du chiffre d’affaires à venir des emprunteurs, à l’occasion des prêts bancaires aux entreprises qui n’auront plus lieu d’être, mais l’anticipation du travail nouveau découlant des nouvelles qualifications, à l’occasion de leur attribution.

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Souverainetés monétaires et coopérations internationales.

23/06/2011

Un article de Jean Jégu : son site

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La finance omniprésente est  plus que jamais source de  problèmes. Le drainage des capitaux vers la spéculation handicape l’économie réelle. Mais la finance  trébucherait  vite sur un manque de liquidités c’est-à-dire de moyens de paiements si l’émission de la monnaie n’avait été conquise par les organismes spéculateurs que  sont  devenues les banques. La reconquête de la monnaie est le préalable indispensable à la mise au pas  de la finance.

L’histoire de la monnaie est rarement enseignée ; elle serait pourtant riche d’enseignements. De la pratique ancienne du simple « troc intermédié » ( la monnaie est un objet ou un animal utile, facilement échangeable  ) en passant par les monnaies métalliques pour arriver jusqu’à nos cartes de crédit, la monnaie a toujours eu une composante sociale essentielle. Maintenant que même le  fétichisme de l’or a presque disparu, la monnaie n’est plus que de nature sociale, contractuelle devrait-on dire.

On ne peut penser une devise sans référence au territoire qui est le sien. Du coup, deux grands chapitres s’imposent : la monnaie dans son territoire, c’est à dire la monnaie de l’intérieur ( au sens ministère de l’intérieur), et la monnaie de l’extérieur c’est à dire à l’international. Le rôle premier de la monnaie est d’être le moyen de paiement  des échanges  courants ; c’est donc la monnaie de l’intérieur qu’il convient d’abord d’interroger. Ensuite, et ensuite seulement,  nous pourrons en tirer des conclusions pour les échanges internationaux

A : la monnaie de l’intérieur.

Une transaction commerciale  consiste dans l’échange d’un bien ou d’un service contre une certaine quantité de monnaie. Cette monnaie appartient à l’une des parties échangeantes. Si tous les agents économiques disposaient de monnaie en quantité suffisante, il ne resterait qu’à organiser  la production et la distribution. Mais tous les agents n’ont pas la monnaie suffisante ; beaucoup doivent s’endetter. C’est le cas de la plupart des entrepreneurs. Il faut  comprendre que la monnaie intervenant dans un échange peut  avoir été préalablement empruntée par celui qui l’utilise. Mais celui qui utilise de la monnaie lui appartenant en propre peut très bien l’avoir gagnée auprès de quelqu’un qui l’a d’abord lui-même empruntée. Et ainsi de suite.  Compte tenu des mécanismes actuels de production de la monnaie, la réalité incontournable d’aujourd’hui est que presque [note 1: Ce « presque » revêt néanmoins une importance remarquable. On le verra ci-après, il s’agit de la monétisation des dettes, processus que nous considérons comme  fondamental dans l’analyse de la création monétaire] toute la monnaie qui circule est, à son origine, née d’un emprunt. Voilà pourquoi chercher la solution aux problèmes des endettés en leur prêtant davantage encore est une chimère.

Rappelons deux  vérités à ne pas perdre de vue.

On objectera qu’un prêt étant la mise à disposition d’autrui, moyennant intérêt, d’une somme qui m’appartient, la monnaie ne peut pas naître d’un emprunt ; elle lui préexiste. Il est exact que ce type de prêt  est très courant. On le qualifie souvent de « prêt mutuel ». Mais tous les prêts ne sont pas des « prêts mutuels ». En outre, on peut aussi s’interroger sur l’origine de la monnaie prêtée dans un prêt mutuel ? La monnaie  actuelle n’existe pas depuis la nuit des temps et sa quantité totale ne cesse d’augmenter. Il existe donc quelque part un mécanisme  créateur de monnaie. Ce mécanisme c’est le crédit bancaire. Tous  les traités d’économie le disent. Une banque, après signature de votre emprunt, inscrit sur votre compte courant la somme convenue. Elle ne prend cette somme nulle part ailleurs. C’est son écriture comptable qui  la crée.

  Bien des professsionnels de la banque n’en conviennent pas.  Il y a à cela au moins deux bonnes explications, en plus de celle qui consiste à admettre qu’on peut être  banquier sans être spécialisé  en théorie monétaire. Un pilote de rallye n’est pas toujours un féru de mécanique automobile. La première raison est le fait que les banques ne reprêtent pas directement l’épargne qu’elles collectent. Elles gèrent certes  les crédits qu’elles accordent en fonction, en proportion devrait-on dire, de l’argent collecté mais il y a  généralement beaucoup plus de crédits que d’épargne . Les crédits bancaires sont donc pour partie mais de manière indifférenciable des prêts mutuels et pour partie des prêts créateurs de monnaie. Dans le cas contraire, quand le flux des crédits bancaires vaut moins  que celui de l’épargne collectée, les banques deviennent  destructrices de monnaie.

La deuxième raison est  plus fondamentale. Les banquiers affirment que la monnaie n’est émise que par la Banque Centrale et pas du tout par les banques dites secondaires. Ici on pourrait leur donner raison mais à condition de s’entendre sur le sens des mots. Derrière leur mot « monnaie » et  celui du commun des mortels, il n’y a pas le même segment d’une même réalité. Tentons de l’expliquer simplement.

Chaque devise relève normalement d’une Banque Centrale ( BC ). Dans chaque zone monétaire,  on trouve une  banque dite « Banque Centrale » car elle tient les comptes courants de toutes les autres banques ( dites secondaires ) ainsi que celle du ou des Trésors Publics de la zone. Une Banque Centrale gère les comptes de ses clients  exactement comme votre banque gère le vôtre. En particulier les banques peuvent y retirer ou déposer des « billets de banque » moyennant inscription du mouvement sur leurs comptes. Le total du compte d’une banque et des billets qu’elle a retirés constitue l’avoir monétaire cette banque. Les billets retirés le sont pour être mis, sur leur demande, à disposition des divers clients de la banque ; le compte à la BC sert aux règlements avec les  autres banques. A ce stade on voit circuler, entre banques et Trésors Publics, de la monnaie dite « centrale » ou encore « de base »  ( la suite va expliquer pourquoi ce vocabulaire : monnaie « de base »). En ce sens, les banquiers ont raison : seule la BC émet la monnaie « de base », mais celle-ci n’est accessible à l’économie que par les billets, alors que la majorité des paiements se fait actuellement par des écritures entre comptes bancaires. Voilà bien  le problème.

Le coeur du problème, c’est que les banquiers ne veulent connaître que la monnaie centrale. Un écrit dans le compte d’un client n’est, pour eux, qu’un engagement à lui fournir des billets s’il en demande, ou plus généralement une promesse de monnaie centrale. Ils ont tout à fait raison. Mais là où le système devient problématique, c’est que ces promesses peuvent donner lieu à quelques abus. La banque promet beaucoup plus ( de l’ordre de cinq fois plus et parfois bien davantage ) que ce qu’elle a en caisse. Et toutes les banques font de même car elles y sont autorisées par la loi. Cela revient à dire et à constater qu’elles mettent à disposition, qu’elles prêtent le même argent à plusieurs personnes différentes sans que celles-ci en aient conscience.   Comment parviennent-elles à faire face à cette situation ? Cela reste leur affaire, pas celle des clients. On pourrait en conclure que cela arrange tout le monde, ce qui est le cas quand tout va bien : les banques fonctionnent et accordent des crédits à l’économie qui en a besoin. Les crédits bancaires se déversent sur les comptes bancaires et les échanges se font en grande partie par des mouvements écrits entre compte bancaires. Ceci donne naissance aux moyens de paiements largement en usage dans l ‘économie, moyens de paiements que nous nommons monnaie bancaire. Ce sont bien les banques qui créent la monnaie bancaire. Un banquier qui soutiendrait le contraire se tromperait lourdement ou serait de mauvaise foi.

En pratique le total de la monnaie bancaire atteint donc plus de cinq fois le total de la monnaie centrale. Pourquoi ce rapport  appelé « multiplicateur de crédit » ? Il n’a pas toujours eu sa valeur actuelle. Il évolue en fonction des habitudes de la clientèle et des moyens mis à sa disposition ( chèques, virements, cartes ). Pour une quantité de monnaie de base donnée,  les banques ont avantage à placer le maximum possible de crédits, c’est à dire à la prêter le plus de fois possible. Cela leur ramènera le maximum d’intérêts. La valeur du « multiplicateur de crédit » n’est limitée que par des règlements imposés aux banques pour leur éviter de prendre trop de risque, le risque  de ne pouvoir honorer leurs promesses de monnaie centrale. Ainsi en empruntant 100 à la BC au taux directeur i, une banque peut prêter 500, ou davantage,  à sa clientèle au taux majoré j. Cela revient soit à prêter 5  fois la même somme, soit à prêter 400 sortis du néant à un taux d’intérêt j. Comme l’affaire porte sur presque toute la masse monétaire bancaire ( en France, des centaines de millards d’euros )  les flux d’intérêts vers les banques  sont considérables ( quelques dizaines de milliards d’euros par an ). Voilà ce qui explique en grande partie la profitabilité remarquable des banques un peu partout dans le monde.

 Mais le paiement  des intérêts aux banques et, plus largement, aux détenteurs de capitaux est un fardeau   pour  l’économie et distord  la distribution des  revenus.  Et si une banque vient à faire faillite et que ses avoirs monétaires s’évanouissent que deviennent les promesses qu’elle a faites à sa clientèle  ? Naturellement, la clientèle voit dans le même temps disparaître ses avoirs « en promesses de monnaie centrale » c’est à dire sa monnaie  bancaire.  Si  plusieurs banques sont concernées, c’est tout un pan de la monnaie bancaire qui   disparaît. Les états ont récemment eu  la bonne idée de ne pas laisser survenir cette débâcle : ils ont apporté de la monnaie de base aux banques. Comment cela peut-il se faire ? Exactement de la même façon qu’au  niveau de l’attribution des crédits bancaires. Les états acceptent de s’endetter auprès des banques  et ces engagements sont traduits en monnaie de base par la Banque Centrale au profit des banques qui ont pu acquériir de tels engagements. De même que les comptes en banque sont remplis en monnaie bancaire sur la base des contrats d’emprunt signés par les clients, ainsi les comptes des banques sont approvisionnés en monnaie centrale sur la base des emprunts souscrits par les états ( rappel : les états ont comme les banques  leur compte en BC). En définitive ce sont donc les contribuables des états qui soutiennent le système financier, les banques étant  des intermédiaires obligés et fortement « intéressés »  entre ces états et les agents économiques, et non pas de simples intermédiaires  comme on aurait tort de le penser.

En résumé, l’essentiel de  la monnaie qui circule dans l’économie provient des crédits bancaires. ; c’est la première vérité à retenir. La monnaie bancaire qui en résulte est au moins cinq fois plus abondante que la monnaie de base possédée par les banques ;  c’est le système dit, pour cette raison, de « réserves fractionnaires ». Les banques retirent de ce système des flux d’intérêts nets très importants qui leur confèrent  un poids et un pouvoir économique majeurs, bien que la monnaie centrale qui est à la base de  tout cela reste toujours garantie de fait par les états, c’est à dire les contribuables. C’est la seconde vérité  à  souligner.

Pour que les états retrouvent du pouvoir monétaire,  d’aucuns  préconisent qu’ ils empruntent directement à leur BC et non pas aux banques. Aux USA, c’est déjà le cas, mais la BC étasunienne , la FED, est propriété d’actonnaires privés. En eurozone, la BCE appartient aux états  mais les traités européens leur interdisent d’emprunter directement à la BCE. Il faudrait donc impérativement réviser ces traités. En supposant que cela soit fait, on libérerait ainsi la monnaie centrale de la mainmise directe des banques ;  celles-ci n’en garderaitent pas moins la faculté d’engranger des intérêts énormes du fait du  multiplicateur de crédit (ou dit autrement , par la vertu du système à « réserves fractionnaires »). Il faudrait donc aussi et dans le même mouvement réduire à l’unité ce fameux multiplicateur de crédit : les banques ne seraient autorisées qu’à prêter l’épargne qu’elles auraient au préalable collectée. C’est ce que l’on appelle le système du   « 100 % monnaie ».

De ce qui précède on peut conclure que la monnaie nait toujours d’une manière ou d’une autre de l’engagement de quelqu’un à la rembourser. Encore faut-il que ce quelqu’un soit identifié et digne de confiance. La  monnaie est inséparable de la dette mais de quelle dette ?

Avant de proposer une vision de la monnaie simple, socialement acceptable et crédible, il nous faut encore expliciter un autre mécanisme bancaire créateur de monnaie. En effet, si la création monétaire est massivement le fait de l’attribution de crédits, elle ne s’y réduit pas [note 2 : C’est ici l’explicitation du « presque » introduit précédemment. Pour mémoire, l’achat de devises étrangères par une banque crée aussi de la monnaie.] . Il s’agit de la « monétisation des dettes », auquel correspond symétriquement le mécanisme de « démonétisation des recettes ». Les banques se libèrent de leurs dettes simplement en alimentant en monnaie bancaire les comptes de leurs créanciers. Elles encaissent leurs recettes en monnaie bancaire simplement  en effaçant leur montant sur les comptes de leurs débiteurs. Ce sont là autant de promesses supplémentaires accordées ou au contraire de promesses effacées. Dans le système des réserves fractionnaires ce mécanisme est donc  tout à fait légitime pour créer ( ou détruire ) de la monnaie. La seule différence – mais très importante –  avec la création par attribution de crédit est que la promesse de monnaie n’est ici grevée d’aucun intérêt  ni d‘aucune échéance pour celui qui en bénéficie. C’est un formidable renversement des rôles : dans la création monétaire par crédit, l’endetté est le bénéficiaire du crédit, celui qui a besoin de monnaie ; dans la monétisation des dettes, l’endetté est celui qui émet la monnaie car celle-ci est et n’est que la reconnaissance de sa dette.

Ainsi la monnaie est toujours une dette, mais elle peut être celle de l’émetteur si celui-ci l’émet justement à l’occasion de l’apparition d’ une dette et en tant que reconnaissance de celle-ci. Cette reconnaissance de dette sera légitimement détruite le jour où son porteur « devra à » ou « recevra de » cet émetteur la même valeur. Il reste à identifier un émetteur digne de confiance. Contre sa monnaie, je finirai sûrement par recevoir des biens ou services réels qui le libéreront de sa dette , ou bien  j’ accumulerai moi-même une dette équivalente à son égard ce qui nous libérera l’un  et l’ autre par annulation réciproque.

 De toute évidence, qui serait mieux placé pour émettre des reconnaissances de dettes capables de circuler  en tant que monnaie au sein d’une collectivité, qui serait mieux placé que cette collectivité elle-même en tant que telle ?  La monnaie la plus logique et cohérente est celle qui est faite de dettes de la  collectivité envers, initialement, les premiers bénéficiaires au moment de son émission et, ensuite, envers ceux qui en deviennent porteurs au cours des échanges monétaires successifs. La monétisation de la dette publique doit être la source de la monnaie publique. Nulle  banque n’a légitimité pour générer de la monnaie publique ; la monétisation de la dette publique doit aller avec la pratique du  100 % monnaie.

Aucune des objections faites à ce nouveau système ne tient à l’examen : risque d’inflation, blocage dû au manque de prêts,  effondrement de la devise sur les marchés extérieurs.

Comment pourrait-on  trouver meilleure position pour réguler la masse monétaire, donc l’inflation, si la collectivité tient d’une main la création monétaire ( sélection de ses dépenses)  et de l’autre la destruction monétaire ( organisation de la fiscalité et des recettes venant des services publics) ? Bien sûr, cela suppose un gouvernement réellement au service du bien public, d’où l’absolue nécessité d’une démocratie réelle.

Quant au manque de monnaie par disparition des prêts, il faut se souvenir que les « prêts mutuels » évoqués précédemment n’auraient aucune raison de ne plus exister.  Quand bien même cette situation de manque de liquidités  devrait-elle survenir, la collectivité qui doit à ses membres une monnaie efficace et de qualité, serait tout à fait fondée à prendre les engagements nécessaires, c’est à dire à monétiser la dette nécessaire. Elle l’est d’ailleurs chaque fois que la dette collective à monétiser est démocratiquement  acceptée. La monnaie ainsi émise pourrait non seulement  couvrir le fonctionnement et les investissement courants mais aussi le champ actuel des subventions, des prêts à taux zéros, ou de toute autre intervention sociale volontaire ( exemple : un revenu d’existence). Evidemment, la démonétisation tout aussi nécessaire que la monétisation – toute dette doit finir par être payée – la démonétisation exige l’existence d’une fiscalité bien ajustée aux équilibres sociaux et/ou la mise en place de services publics payants.  Autrefois les dépenses du souverain  enrichissaient  son peuple ;  demain les dépenses publiques pourraient enrichir les citoyens !

L’objection d’un effondrement de la monnaie sur les marchés extérieurs est certainement la plus difficile à  réfuter. Mais si l’on met de coté la période transitoire initiale de mise en place de cette modification fondamentale, on peut à terme imaginer des solutions coopératives efficaces entre zones monétaires. Ce sera le thème de la section suivante.

B : la monnaie à l’international.

Si une monnaie émise exclusivement ( 100 % monnaie ) par une collectivité  est faite de dettes de cette collectivité envers certains de ses membres, qu’en est-il de cette monnaie livrée à un étranger en échange de l’importation d’un bien ?   La question est symétrique pour les devises étrangères reçues lors des exportations. La valeur d’une devise est assez bien définie – quoiqu’évolutive –  à l’intérieur de sa zone ; à l’extérieur on rencontre immédiatement la question des taux de change.  Au sein d’une zone, ceux-ci peuvent être administrés ou bien laissés à l’appréciation des marchés.

 En l’absence de toute convention particulière, on voit mal comment les lois de l’offre et de la demande ne s’appliqueraient pas entre particuliers – sauf contrôle sévère des mouvements de capitaux. Cependant normalement les devises sont rachetées par la BC oeuvrant pour la collectivité ; ce faisant, elle émet la monnaie de sa zone  au taux de change qu’elle choisit. On se retrouve donc avec plusieurs BC détenant diverses devises étrangères. Les BC sont donc en position de négocier l’annulation de leurs dettes respectives ( puiqu’ici chaque devise est une dette de la collectivité qui l’a émise). Nous sommes ici dans une position de troc entre zones monétaires.  Mais ceci n’est pas nécessairement satisfaisant. Il est tout à fait possible de faire beaucoup mieux.

Pour la fluidité et l’équilibre des échanges  économiques entre zones ( deux ou davantage), il est souhaitable qu’à un moment donné des taux de change officiels soient définis pour une durée donnée. Nous serions là en présence de taux de change périodiquement renégociés. Ceci peut encore s’exprimer par la mise en place, entre collectivités contractantes, d’ une unité de compte commune ( dite encore « monnaie de compte » par opposition à la  « monnaie d’échange »). Ainsi chaque collectivité en fonction de son contexte économique et en concertation avec ses partenaires pourrait réajuster le taux de change de sa devise par rapport à la monnaie de compte commune.  Tout paiement ne pourrait se faire qu’en une devise bien identifiée ;  jamais dans une monnaie de compte qui n’est pas faite pour cela et ne nécessite donc aucune émission. La monnaie de compte est le moyen de piloter les taux de change entre collectivités ayant décidé de coopérer.

Au niveau mondial, le processus pourrait, tout en revalorisant  les monnaies nationales, engendrer des zones de coopération ayant leurs monnaies de compte communes. Les monnaies de compte communes pourraient elles-mêmes coopérer via la définition d’une monnaie de compte mondiale. Peu à peu, en fonction des évolutions prévisibles ( nivellement  des niveaux de vie et uniformisation des cultures ), des monnaies nationales pourraient disparaître  par mutation de certaines monnaies de compte en monnaies d’échange à la condition indispensable que les conditions politiques permettent l’endettement collectif et solidaire sans lequel il n’est pas de monnaie d’échange. C’est de l’unité politique que peut naitre l’unité monétaire et en aucun cas l’inverse.

Une évolution en taches d’huile faisant apparaître des zones économiques unifiées de plus en plus étendues ne ferait que reprendre et poursuivre notre évolution historique. La perspective d’une monnaie de compte mondiale est  cohérente avec notre point de vue. Il ne faut cependant  jamais confondre monnaie d’échange qui engage la collectivité émettrice,  et monnaie de compte qui n’est qu’un moyen de gestion des taux de change.

En conclusion :

 Personne ne devrait ignorer ce qui suit :

– une monnaie publique peut être émise par toute collectivité politiquement souveraine  et donc économiquement solidaire. Cette monnaie publique n’est autre que la dette publique monétisée. Ceci n’a aucune raison d’engendrer plus d’inflation puisque, à condition de se placer en « 100 % monnaie », la création monétaire ainsi que sa destruction seraient directement contrôlables. Ceci permet néanmoins de continuer à pratiquer les « prêts mutuels ».

– le retour aux monnaies nationales n’implique absolument pas un retrait sur des positions dangereusement nationalistes. Ce n’est qu’une prise en compte réaliste de l’engagement collectif et solidaire lié à l’émission de  la monnaie publique, sans exclure la possibilité de coopération avec les collectivités voisines, en particulier par la mise en place d’ une monnaie de compte commune. Au contraire ce pourrait être le début d’un processus de mondialisation réaliste débouchant, à terme, sur une monnaie de compte mondiale  et  favorisant de véritables fusions entre certaines monnaies nationales.

Bien entendu les réalisations concrètes nécessiteraient  encore bien des précisions mais les grandes lignes semblent bien là. Les questions de transition restent aussi largement ouvertes. Aux politiques de s’y investir. Des économies libérées de la dette sont concevables et  la souveraineté des peuples peut être respectée sans nuire à une mondialisation progressive probablement  inéluctable  à terme.

Il serait regrettable de voir naitre à ce sujet des divisions factices et de craindre que sans l’économie d’endettement rien ne soit possible. Au contraire nous pourrions enfin affronter les vrais problèmes :  satisfaire nos besoins alimentaires, énergétiques et culturels, conserver nos milieux de vie, sans compter la préservation de notre bien le plus précieux, la paix entre nos peuples.

                                                                                                                      Jean Jégu  –   Juin 2011



Un Espace Complémentaire Sociétal, vite !

19/05/2011

Constat

Le système marchand actuel, totalement soumis à la dictature de la finance et du commerce, est confronté à des limites que sa seule logique empêche de dépasser.

L’unique réponse du système se trouve actuellement dans une croissance forte, cependant ses effets sur l’emploi sont non seulement anéantis par l’amélioration constante de la productivité, mais de plus incompatibles avec les exigences écologiques auxquelles l’humanité est confrontée. Face aux fléaux que sont la croissance du chômage, l’amplification des inégalités et les atteintes à l’environnement, il y a urgence ; mais comment orienter la croissance économique vers plus d’emplois, plus de justice sociale, et plus de « durabilité » ?

L’idée vient tout de suite à l’esprit de procéder à des investissements publics massifs, tant pour améliorer le nombre et la qualité des infrastructures disponibles que pour réduire nos consommations d’énergie et limiter ainsi notre dépendance. La perspective de donner de la sorte un « coup de fouet » à l’économie, d’inverser enfin la courbe du chômage, est exaltante, mais… tel un père de famille surendetté… l’enthousiasme qu’une telle proposition peut susciter retombe vite dans un soupir : « Ce serait bien… mais on n’a pas les moyens de se le payer ! « 

Pourtant, nous affirmons que si une collectivité a:
1 – un besoin d’intérêt général ;
2 – la volonté de le satisfaire ;
3 – les moyens techniques et énergétiques ;
4 – un excès de main d’œuvre et le savoir-faire ;

5 – la maîtrise des conséquences écologiques ;

… alors l’argument du manque de financement est fallacieux, car une vraie richesse résultera du travail permis par la création monétaire nécessaire pour le payer, et il ne devrait donc y avoir aucun obstacle à sa réalisation, ni risque d’inflation.

La présente proposition vise à remettre en cause la sempiternelle objection du manque de financement, qui empêcherait de payer des investissements publics pourtant nécessaires. En effet, il existe une différence profonde entre un particulier et un État souverain : un particulier ne peut créer lui même les moyens de paiement qui lui manquent, tandis qu’une collectivité munie des institutions ad hoc dispose de ce pouvoir !

Le présent article a l’ambition de montrer comment la création d’un nouveau dispositif dit « Espace Complémentaire Sociétal »  peut permettre de s’affranchir des obstacles réglementaires dressés par certaines dispositions des Traités européens.  Car il s’agit bien, en effet, de faire surgir un mouvement d’émancipation

Que faire ?

Comme nous ne pourrons pas immédiatement remplacer un système par un autre, nous proposons l’introduction d’un espace économique nouveau, que nous appelons « ECS » (Espace Complémentaire Sociétal), complémentaire au système économique existant. Sa vocation n’est pas la recherche de l’équilibre ou du profit financier mais celle du « bénéfice sociétal ». Il s’attache à la résolution, indifféremment de leur coût financier, des problèmes humains et écologiques que la seule logique capitaliste libérale est incapable de traiter par la nature même du droit des entreprises et des systèmes comptables, et d’orienter les modes de production et de vie vers un modèle soutenable au niveau planétaire.  Cet « espace » a vocation prioritaire de créer des activités qui n’existent pas encore parce qu’elles ne sont pas rentables, en particulier les services qui font cruellement défaut pour permettre à tous une vie digne sur une planète respectée. Le champ est donc immense.

Exemples

Mise en œuvre localement de tout ce qui peut contribuer à réduire la consommation d’énergie et la pollution, mise en œuvre d’alternatives pour le transport des personnes et des marchandises, recherches et mise en place de tout ce qui peut améliorer la résilience de nos organisations, actions pour revivifier nos villages et campagnes désertifiés, entretien des forêts et création de haies vives, nettoyages de cours d’eau, soutiens à l’éducation et à l’enseignement, accompagnements de malades et aide hospitalière, etc.

Comment ?

Un projet sociétal peut être proposé :
– par le conseil municipal à un comité citoyen (dont nous recommandons qu’il soit tiré au sort) pour validation
– ou, par une personne physique ou morale au conseil municipal et comité citoyen
– ou par le comité citoyen lui-même au conseil municipal pour validation.

Si le projet est accepté, il est d’une part chiffré pour permettre l’émission monétaire spéciale nécessaire, et précisé dans ses étapes de réalisation afin de pouvoir apprécier si l’entreprise ou les entreprises chargée(s) de la mise en œuvre atteignent les objectifs sociétaux visés. L’organisme d’émission monétaire (qui pourrait être la Banque de France ou tout autre organisme responsable choisi par la collectivité) émet progressivement la monnaie finançant le projet. Ce système peut être extrapolé au niveau local, régional, national ou international

C’est dans le cadre d’ « Entreprises à Mandat Sociétal » que se libéreront les potentialités créatrices sociétales permettant le bien être de la population travaillant dans ces projets, comme de la population bénéficiaire.

Quelques détails sur le fonctionnement:

1- Les Entreprises à Mandat Sociétal (EMS) ne répondent pas à la logique de profit financier mais à celle du bénéfice sociétal. Elles sont régies par un statut juridique spécifique inspiré de la société coopérative.

2- Les investissements nécessaires à leur activité sont financés par une émission monétaire nationale en «Unités Monétaires Sociétales (UMS)», monnaie créée par l’État ou les collectivités par délégation de pouvoir au niveau des besoins. Elle est permanente (ce n’est pas une monnaie de crédit), électronique et nominative, gratuite (elle ne peut produire d’intérêts), non spéculative, non convertible en devises étrangères ni en euros, mais elle a cours forcé (toute personne, physique ou morale, sur le territoire défini pour cette monnaie doit les accepter en paiement. 1 UMS équivaut à 1 euro dans la zone euro)

Les Unités Monétaires Sociétales ainsi créées se retrouvent au crédit des comptes des entreprises (EMS + fournisseurs des EMS du secteur marchand traditionnel) et au crédit des comptes courants des particuliers (salariés des EMS, mais aussi salariés des entreprises traditionnelles qui, ayant des recettes en Unités Monétaires Sociétales, les utilisent pour leurs dépenses). C’est ainsi que les Unités Monétaires Sociétales circulent dans l’ensemble de la société.

4- Le statut d’EMS peut être attribué, par une procédure d’agrément, tant à un travailleur indépendant qu’à une organisation de plusieurs personnes réparties dans plusieurs établissements.

5- L’EMS commence son activité en constituant le «capital» nécessaire à cette activité (terrains, locaux, matériel, etc…). Elle n’a pas besoin d’argent pour ce faire. Elle choisit un organisme bancaire parmi les banques commerciales existantes, et lui remet une copie du dossier d’agrément qui comporte une estimation chiffrée qui lui servira de référence pour « commander » les fonds nécessaires à l’organisme responsable, et à régler directement les fournisseurs au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

6- Une EMS est évaluée par rapport à ses objectifs sociétaux et non ses résultats financiers. C’est pourquoi la procédure d’agrément précise, entre autres, les éléments du « bilan d’activité» qui permettront de déterminer à la fin de la première année la position de l’EMS par rapport aux objectifs prévus. Par la suite, l’EMS présente un bilan prévisionnel en complément du bilan d’activité de l’exercice achevé, pour fixer les objectifs d’évaluation de l’exercice à venir. Les bilans sont constitués par un compte d’exploitation contrôlé par un cabinet comptable, servant principalement à aider la gestion bancaire et le contrôle des flux monétaires, et un rapport qualitatif d’activité sociétale reprenant les éléments d’appréciation qualitatifs dans la forme et selon les modalités prévues. Les éléments qualitatifs sont appréciés par consultation auprès des bénéficiaires de l’activité de l’EMS.

7 – Les activités sociétales sont définies démocratiquement par la Nation :

– Plusieurs commissions nationales composées d’élus, d’ONG représentatives et de citoyens tirés au sort, à nombre égal, travaillant chacune dans son domaine, mais en interaction avec les autres, ont pour mission préalable de définir et lister les critères sociétaux dans l’industrie, l’agriculture, les transports, l’énergie, l’habitat, les services, le commerce, la santé, l’éducation, l’équipement public, le service public, la culture…

– Les critères sont définis en fonction des connaissances du moment et de ce qui est technologiquement réalisable. Ils sont temporaires et révisables pour tenir compte de l’évolution des connaissances et des techniques. Un temps raisonnable est laissé aux acteurs pour actualiser les évolutions.

– Les critères ne sont ni idéalistes ni utopiques ni uniquement conservateurs, mais exigeants et réalisables de façon à encourager largement la dynamique, la rendre accessible et motivante pour tous.

– Les critères ainsi définis, qui deviendront la référence officielle permettant d’attribuer à une activité le statut d’E.M.S, devront être ratifiés par le parlement, les conclusions de celui-ci seront soumises à l’approbation de la Nation.

8 – Les entreprises, tant du secteur sociétal que du secteur marchand traditionnel, peuvent régler indifféremment en euros ou en Unités Monétaires Sociétales l’ensemble de leurs dépenses, (salaires, fournisseurs, impôts et taxes…)

En conclusion

A ceux qui après cette lecture se demanderaient encore comment « l’État paiera », nous leur rappelons qu’il créera les Unités Monétaires Sociétales à hauteur des besoins, comme le font les banques actuellement sur une simple demande de crédit, à la seule différence que l’État, lui, n’a pas besoin de se « facturer » son propre argent et donc enrichit son peuple au lieu de l’appauvrir par le jeu de l’intérêt. Trop simple pour être vrai? Oui, c’est simple ! La seule mise en œuvre de cet espace économique complémentaire permettrait, sans opposer les intérêts des uns et des autres, sans aller prendre dans la poche des uns pour payer les autres, de résoudre en quelques années seulement des problèmes majeurs auxquels se heurte l’humanité. Ce qui nous sidère en réalité, c’est de voir combien l’homme butte sur un problème qu’il crée lui-même en rendant artificiellement rare ou en dévoyant un argent qui n’a plus de limite physique. Cette rareté n’est en fin de compte que le reflet de notre « pauvreté de conscience ». Depuis des siècles elle enferme l’homme dans une logique de « sauve-qui-peut ». Une solution est là, à portée de main et oui, il suffit de la vouloir c’est tout. Mais c’est cela qui est difficile. Puisse la mémoire de Théodore Monod nous rappeler que « l’utopie est simplement ce qui n’a pas encore été essayé! »

D’après Philippe Derudder, André-Jacques Holbecq,
« Une Monnaie Nationale Complémentaire » (ed Yves Michel)

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Sortir du financiarisme: la participation

29/04/2011

par Olivier Berruyer

J’appelle financiarisme le dévoiement du système économique que nous constatons depuis plus d’une vingtaine d’années, et se caractérisant par un déséquilibre majeur des pouvoirs dans les grandes entreprises, au bénéfice unique des actionnaires (catégorie dans laquelle rentrent désormais les grands dirigeants). Comme l’a souligné Maurice Allais, « au nom d’un pseudo-libéralisme, et par la multiplication des déréglementations, s’est installée peu à peu une espèce de chienlit mondialiste laissez-fairiste ». Ainsi soumis à une féroce concurrence internationale, désorganisés face aux représentants des actionnaires, le poids réduit des salariés ne permet plus une gestion du système économique qui soit compatible non seulement avec l’amélioration du bien-être collectif, mais même simplement avec sa seule survie à moyen terme. Nous allons donc voir très bientôt à quel point le « tout pour les actionnaires » aura été un cinglant échec, tout comme l’a été le système collectiviste du « ’tout’ pour les salariés » [le « tout » ayant certes été réduit….].

On peut dès lors se demander s’il ne serait pas temps de concevoir un mécanisme équilibré, d’économie de marché et de respect de la propriété privée qui pourrait être nettement plus efficient et au service de l’humain. Dès lors, comment ne pas penser au programme du Conseil National de la Résistance, adopté le 15 mars 1944, qui a fondé notre pacte social de prospérité, et que les néoconservateurs veulent tant abroger :

2 – Mesures à appliquer dès la libération du territoire

• instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;

• […] participation des travailleurs à la direction de l’économie.

Cette idée a été largement développée par le Général de Gaulle à la fin des années 1940, sous forme de projet d’Association. L’échec du référendum de 1969 enterrera le projet d’une large Participation. Soixante-dix ans plus tard, il est donc plus que temps de le remettre à l’ordre du jour : il reste brulant d’actualité. La pensée du Général de Gaulle était si précise, qu’elle se passe de commentaires. Prenons le temps de la relire ici posément – puisqu’elle est absente non seulement du débat public, mais ne serait-ce que d’archives facilement accessibles et d’Internet – oubli qui sera donc corrigé par ce billet…

« La solution humaine, française, pratique […] est dans l’association digne et féconde de ceux qui mettraient en commun, à l’intérieur d’une même entreprise, soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens, et qui devraient s’en partager, à visage découvert et en honnêtes actionnaires, les bénéfices et les risques.

Certes, ce n’est pas cette voie que préconisent, ni ceux qui ne veulent pas reconnaître que rehausser la dignité de l’homme c’est non seulement un devoir moral mais encore une condition de rendement, ni ceux qui conçoivent l’avenir sous la forme d’une termitière. Mais quoi ? C’est la voie de la concorde et de la justice fructifiante dans la liberté ! » [Charles de Gaulle, discours de Strasbourg, 7 avril 1947]

« L’Association, qu’est-ce à dire ? D’abord ceci que, dans un même groupe d’entreprises, tous ceux qui en font partie, les chefs, les cadres, les ouvriers, fixeraient ensemble entre égaux, avec arbitrage organisé, les conditions de leur travail, notamment les rémunérations. Et ils les fixeraient de telle sorte que tous, depuis le patron ou le directeur inclus, jusqu’au manœuvre inclus, recevraient, de par la loi et suivant l’échelle hiérarchique, une rémunération proportionnée au rendement global de l’entreprise.

C’est alors que les éléments d’ordre moral qui font l’honneur d’un métier : autorité pour ceux qui dirigent, goût du travail bien fait pour les ouvriers, capacité professionnelle pour tous, prendraient toute leur importance, puisqu’ils commanderaient le rendement, c’est-à-dire le bénéfice commun. C’est alors qu’on verrait naître, à l’intérieur des professions, une autre psychologie que celle de l’exploitation des uns par les autres ou bien celle de la lutte des classes. […]

Leurs représentations pourraient et devraient être incorporées à l’État. Quelle importance prendrait alors un Conseil de la République où elles siégeraient en même temps que les représentations des assemblées locales ! » [Charles de Gaulle, discours de Saint-Etienne, 4 janvier 1948]

« Oui ! L’association, par laquelle, dans toute entreprise, chacun de ceux qui y participent verra le capital que constitue sa capacité de travail rémunéré au-delà du minimum vital et suivant le rendement collectif, exactement comme tous les autres capitaux immobiliers et mobiliers sont rémunérés au delà de leur conservation ou de leur entretien. Oui ! l’association, qui placera sur le même plan de dignité tous ceux qui contribuent à l’œuvre économique commune, fera que l’ingénieur, l’agent technique, l’ouvrier, l’employé, à tout échelon, seront des sociétaires, et fera du patron aux yeux de son personnel, non point l’homme qui paie, mais le chef, dont la valeur, l’indépendance, l’autorité sont nécessaires à l’avantage de tous. Oui ! l’association qui, formée pour le rendement et pour le progrès, régénérera le syndicalisme et, en outre, prendra à son compte ces éléments du rendement collectif que sont l’apprentissage, la formation technique, la sélection des meilleurs depuis le bas jusqu’au haut. Oui ! l’association, dont nous attendons un grand élan de productivité et un climat social nouveau. » [Charles de Gaulle, discours de Marseille, 17 avril 1948]

« On a fait ce qu’on a fait au point de vue économique dans le monde, en gros, avec un système qui s’appelait le libéralisme, et on a fait de très grandes choses, c’est évident. Il n’est pas moins évident que le libéralisme tel qu’on le voyait avant-hier est devenu une chose inconcevable et insupportable dans l’état présent du monde, et spécialement dans l’état présent de la France. Au point de vue des travailleurs, il se traduit par le salariat, et nous ne considérons pas que le salariat, c’est-à-dire l’emploi d’un homme par un autre, doive être la base définitive de l’économie française, ni de la société française. Cela, nous ne l’admettons pas. Nous ne l’admettons pas, sans doute, pour des raisons humaines, des raisons de justice sociale, mais nous ne l’admettons pas non plus pour des raisons économiques parce que nous considérons […] que ce système-là n’est plus susceptible de donner à tous ceux qui produisent l’impulsion, la volonté, la passion de produire et de créer qui sont indispensables si nous voulons redevenir prospères, généreux et rayonnants dans le monde. Par conséquent, le vieux libéralisme, ce n’est pas la voie économique et sociale dans laquelle la France se refera telle qu’elle doit se refaire. […]

Il y a le système des communistes. […] Nous considérons qu’il est mauvais pour tout le monde et nous considérons qu’il est spécialement mauvais pour nous […]

Ni le vieux libéralisme, ni le communisme écrasant. Autre chose. Quoi ? Et bien, quelque chose de simple, de digne et de pratique qui est l’association. C’est une vieille idée française, elle fut bien souvent dans notre histoire économique mise en valeur. […] L’association, c’est-à-dire un système tel que, du moment que des hommes travaillent ensemble […] dans une même entreprise, il doit se constituer entre eux, non pas un contrat d’employeur à employé mais un contrat de société. Il faut que ces hommes s’associent. Ils apportent chacun […] quelque chose, les uns leur capacité de direction, leur valeur technique, pour certains autres – et quelquefois ce sont les mêmes, et même souvent – leurs capitaux, qui d’ailleurs sont très souvent un peu à tout le monde, et leur valeur technique de travailleurs, leur assiduité, leurs capacités. Dès lors que ces capacités sont prouvées, soit au point de vue de la direction technique, soit au point de vue du travail, on est digne d’être sociétaire dans l’entreprise commune, on y a sa place, on y a ses devoirs et on y a ses droits. Le tout doit être fixé par des contrats de société pour chaque entreprise, répondant à certaines conditions qui seront évidemment variables selon la nature des entreprises. […] Mais les principes seront les mêmes. Ils seront fixés par une loi qui déterminera les conditions de création de ces sociétés nouvelles, destinées à remplacer le type de sociétés d’aujourd’hui, c’est-à-dire les sociétés anonymes ou sociétés à responsabilité limitée qui, pour le moment, ne prévoient de contrat qu’entre les employeurs et les employés.

Je ne crois pas du tout, d’ailleurs, que dans un système comme le nôtre […] les gens qui ont la responsabilité de diriger les entreprises, ne souffriront en quoi que ce soit. Je suis, bien au contraire, convaincu qu’elles y gagneront et que, tout le monde se sentant intéressé matériellement et moralement à ce que la boite marche, […] tout le monde ayant son rôle et sa part, je suis persuadé qu’il sera créé […] un climat social nouveau. […]

L’association est la forme qu’il faut donner à l’économie nouvelle pour la recréer et pour recréer en même temps les conditions sociales nouvelles et acceptables pour tous. […]

Mais comment voulez-vous qu’une œuvre pareille puisse être réalisée dans le régime politique, législatif et exécutif où nous vivons. C’est évidemment impossible. […] Il faut changer le régime. » [Charles de Gaulle, Allocution prononcée devant les Comités professionnels du Rassemblement du Peuple français, 31 août 1948]

« Il faut que vous [les ouvriers] preniez part largement aux responsabilités économiques françaises. Cela implique que dans la production, vous soyez, non plus des instruments, mais des associés, avec le devoir de développer l’œuvre commune et le droit de profiter de ce que vous lui ferez gagner. Nous, peuple français rassemblé, nous voulons faire en sorte que les travailleurs deviennent des sociétaires, au lieu d’être des salariés. […] Oui ! Nous voulons l’Association du travail, du capital, de la direction […] dans le cadre de l’entreprise. […] Quelle forme prendra l’Association ? Je réponds : celle de contrats de société, passés sur un pied d’égalité entre les divers éléments, les engageant les uns vis-à-vis des autres, mais évidemment de type très divers, suivant la nature, la dimension des entreprises. […] Qu’y aura-t-il dans un contrat d’association ? Je réponds : il y aura naturellement les conditions particulières que chacun des sociétaires apportera à son concours. Par exemple : rétribution de base pour les ouvriers, intérêt de base pour le capital qui procure les installations, les matières premières, l’outillage, droit de base pour les chefs d’entreprise qui ont la charge de diriger et qui doivent pourvoir, notamment, aux investissements et aux réserves. […] Ce régime nouveau présenterait l’avantage social de lier entre eux, dans l’entreprise, au lieu de les opposer, les intérêts des patrons, des ouvriers, des capitalistes et, par là, de changer l’atmosphère. » [Charles de Gaulle, discours de Paris, 14 décembre 1948]

Cette idée est toutefois restée assez théorique durant une quinzaine d’années. Un consultant, polytechnicien, Marcel Loichot (1918-1982), s’est essayé au début des années 1960 à proposer un modèle opérationnel de participation, ce qui lui a valu de devenir conseiller du Général de Gaulle, qui lui a écrit :

« Je tiens à vous dire que j’ai été fort impressionné [par votre livre]. Peut-être savez-vous que, depuis toujours, je cherche, un peu à tâtons, la façon pratique de déterminer le changement, non point du niveau de vie, mais bien de la condition de l’ouvrier. Dans notre société industrielle, ce doit être le recommencement de tout, comme l’accès à la propriété le fut dans notre ancienne société agricole. » [Charles de Gaulle, 11 avril 1966]

Loichot a proposé en 1966 dans son livre La réforme pancapitaliste, un modèle qu’il a appelé pancapitalisme (qui peut se traduire par « Capitalisme global » ou mieux par « Tous capitalistes ! »). L’idée très intéressante de ce système est de conserver la notion de capitalisme (au sens de propriété privée des moyens de production), mais où en fait les travailleurs deviendraient tous ipso facto des capitalistes, ce qui élimine une tare majeure du système capitaliste : l’appropriation des moyens de production par une minorité.

La clé consiste en un partage équitable de l’accroissement du patrimoine de l’entreprise. Marcel Loichot refuse de s’enfermer dans un schéma préétabli, et propose de nombreuses méthodes de partage. À titre indicatif, il propose un des cadres possibles :

  • toute entreprise employant par exemple plus de dix personnes doit obligatoirement être constituée en « société pancapitaliste » ;
  • le capital d’une société pancapitaliste est productif d’intérêt à un taux très raisonnable, par exemple 6 % ; ces intérêts sont nécessairement comptabilisés en dépenses et distribués ;
  • le bénéfice subsistant est obligatoirement ajouté au capital ; les actions correspondantes, incessibles pour dix années, sont réparties pour moitié entre les actionnaires antérieurs proportionnellement à leurs actions, pour moitié entre les travailleurs de l’entreprise proportionnellement à leurs salaires ;
  • les porteurs d’actions, qu’elles soient anciennes ou nouvelles, jouissent des mêmes droits, et notamment élisent ensemble le conseil d’administration, lequel nomme le président-directeur général et contrôle sa gestion.

Pour synthétiser sa pensée, imaginons une entreprise créée avec un capital de 1 000, représenté par 1 000 actions. Au bout d’un an, elle procure un bénéfice de 100, grâce au travail des employés, utilisant les moyens de production. Se pose finalement une question majeure, sur laquelle on revient pourtant rarement : finalement, à qui doivent profiter ces 100 ? Dans le système capitaliste, on considère qu’ils reviennent en totalité aux actionnaires, vus comme propriétaires de l’entreprise. Mais pourtant, on peut parfaitement imaginer de les répartir différemment. Dans le système Loichot, on donne obligatoirement 6 aux actionnaires pour les rémunérer (comme pour de simples préteurs obligataires), et on crée 94 actions nouvelles, réparties entre les actionnaires (47) et les salariés (47). En résumé, les salariés deviennent actionnaires. Ceci fait que l’année d’après, ils perçoivent des actions en tant que salariés (les 50 %), mais également en tant qu’actionnaires (qu’ils partagent avec les actionnaires de départ). Loichot démontre alors mathématiquement qu’avec un autofinancement de 6 % l’an (la croissance était très forte à l’époque), en 25 ans, les actionnaires de départ et les salariés possèdent chacun la moitié du capital, qui aura quadruplé dans l’intervalle. En fait, il ne s’agit pas de partager les richesses existantes mais les richesses futures créées ensemble par les parties prenantes.

Dans la vision économique gaullienne, la participation comporte trois volets : la participation aux bénéfices, la participation au capital et la participation aux responsabilités. « Tout le reste n’est que participation au baratin ! », disait Philippe Dechartre, un gaulliste de gauche. C’est d’ailleurs cette frange du gaullisme qui aura poussé ce sujet de la participation, avec René Capitant, Jacques Debû-Bridel, Jean-Marcel Jeanneney et surtout Louis Vallon, qui a travaillé avec Marcel Loichot et qui a initié le mouvement législatif ayant abouti le 17 août 1967 à la signature par le Général de Gaulle de l’ordonnance sur « la participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises », qui a fondé le régime toujours en vigueur de la participation aux résultats.

« Il faut, enfin, que dans les entreprises la participation directe du personnel aux résultats, au capital et aux responsabilités devienne une des données de base de l’économie française. » [Charles de Gaulle, Conférence de presse du 27 novembre 1967]

Malheureusement ce dispositif est resté limité aux bénéfices, alors que ce n’était pour De Gaulle qu’une première étape. Son départ en a décidé autrement, ses successeurs n’ayant pas repris son flambeau, et la pensée originale de Marcel Loichot s’étant éteinte avec lui.

« Bien que gaulliste intellectuel, gaulliste philosophique, j’ai souvent sous-estimé l’importance de la participation chez le général De Gaulle. J’étais tenté de la confondre avec l’intéressement. En réalité, là-encore, le général De Gaulle avait une vue prophétique. C’étaient les gestionnaires dont j’ai quelquefois fait partie qui se sont trompés. » [Edgar Faure, 1970]

« Le capitalisme dit : grâce au profit qui suscite l’initiative, fabriquons de plus en plus de richesses qui, en se répartissant par le libre marché, élèvent en somme le niveau du corps social tout entier. Seulement voilà : la propriété, la direction, le bénéfice des entreprises dans le système capitaliste n’appartiennent qu’au capital. Alors, ceux qui ne le possèdent pas se trouvent dans une sorte d’état d’aliénation à l’intérieur même de l’activité à laquelle ils contribuent. Non, le capitalisme du point de vue de l’homme n’offre pas de solution satisfaisante.

Il y a une troisième solution : c’est la participation, qui elle, change la condition de l’homme au milieu de la civilisation moderne. Dès lors que les gens se mettent ensemble pour une œuvre économique commune, par exemple pour faire marcher une industrie, en apportant soit les capitaux nécessaires, soit la capacité de direction, de gestion et de technique, soit le travail, il s’agit que tous forment ensemble une société où tous aient intérêt direct à son rendement et à son bon fonctionnement.

Cela implique que soit attribué de par la loi, à chacun, une part de ce que l’affaire gagne et de ce qu’elle investit en elle-même grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient informés d’une manière suffisante de la marche de l’entreprise et puissent, par des représentants qu’ils auront tous nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leurs points de vue et pour y faire valoir leurs propositions. C’est la voie que j’ai toujours cru bonne. C’est la voie dans laquelle j’ai fait déjà quelques pas ; par exemple, en 1945, quand, avec mon gouvernement, j’ai institué les comités d’entreprises, quand, en 1959 et en 1967, j’ai, par des ordonnances, ouvert la brèche à l’intéressement. C’est la voie dans laquelle il faut marcher. » [Charles de Gaulle, entretien avec Michel Droit, 7 juin 1968]

« Le progrès économique, bien sûr c’est nécessaire à la vie d’une nation, c’est essentiel, mais il ne faut jamais oublier que la seule finalité du progrès économique, c’est le progrès social. » [Charles De Gaulle, 1944, conversation avec Philippe Dechartre]

« Ni la police, ni les tribunaux, n’atteindront le mal dans sa source, qui est le système économique et social actuellement en vigueur. Il faut avoir, pendant qu’il est temps, assez d’esprit et de cœur pour réformer ce système-là » ! [Charles de Gaulle, discours de Paris, 11 février 1950]

Alors bien entendu, on peut imaginer d’autres systèmes que le capitalisme – dont certains marcheraient sans doute. On peut aussi penser également au modèle des coopératives de salariés, avec les Scop. Mais on peut aussi essayer de réformer en profondeur le système actuel, tout en gardant son cadre, ce qui a l’avantage de pouvoir être réalisé bien plus facilement et rapidement.

Bien entendu, le modèle Loichot a vieilli, et ne peut plus être calqué tel quel dans nos économies mondialisées. Bien entendu, il n’est pas parfait, et il faut veiller à ce qu’il n’engendre pas une schizophrénie actionnaire/salarié, par exemple sur la fixation des salaires ou les politiques d’emploi. Mais, à mon sens, il porte en lui un principe de justice sociale, et sans doute de plus grande efficacité. Il montre que oui, il y a des alternatives raisonnables et efficaces au financiarisme, et que l’on n’a pas tout essayé.

Si certains ont envie de réagir à cette idée, de proposer des améliorations, qui pourraient par exemple aboutir à une proposition de loi pour créer au moins un statut facultatif « d’entreprise pancapitaliste », n’hésitez pas à me contacter ici. (un avocat et un comptable seraient d’ailleurs bienvenus…). Si le sujet avance, nous pourrons réaliser un deuxième billet pour tenir informé les lecteurs de ce blog.

Je souhaiterais conclure ce billet par cette dernière citation, venant d’un temps où la préoccupation du Président n’était pas de « réhabiliter l’argent » :

« Mon seul adversaire, celui de la France, n’a aucunement cessé d’être l’Argent. » [Charles de Gaulle, 11 décembre 1969, discussion avec André Malraux, cité dans Les chênes qu’on abat, Gallimard]

Olivier Berruyer est actuaire, et créateur du site internet www.les-crises.fr.
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Cet « article presslib’ » a été rédigé pour le blog de Paul Jorion. Il est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa et le précédent soient reproduits à sa suite.